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Je vais gagner le Tour de France !


Michel DURY

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Hola laa, ça fait 10.000 fois que je passe devant la vitrine du magasin, et il est là, accroché en plein milieu, magnifique, splendide, trÎnant littéralement à un mÚtre de mes yeux éblouis, à portée de main si ce n'était la vitre qui m'en sépare et le prix conséquent à débourser pour l'acquérir... une fortune.

Bien entendu, je suis dĂ©jĂ  rentrĂ© 20 fois dans le magasin, pour un oui pour un non, pour un rien. Et le vieux lĂ , derriĂšre son comptoir, imperturbable mais pas dupe, se cache sous un lĂ©ger sourire. Il a bien vu que je portais mon attention Ă  droite, lĂ , vous voyez, oĂč il a bien mis en Ă©vidence l'objet de tous mes dĂ©sirs.

Je lui demande quelques renseignements et j'apprends, ĂŽ stupeur ultime que c'est lui, oui, bien lui, qui l'a assemblĂ©, peint et dĂ©corĂ© de ses magnifiques marques Ă  son nom. Car sa fiertĂ©, c'est sa marque, personne d'autre que lui ne peut l'appliquer sur aucun vĂ©lo du pays, du monde, de l'univers, et de Molenbeek d'oĂč je viens!

Mince, ce n'est pas rien tout de mĂȘme! 

Sacré bonhomme, son tablier gris et ses rides m'inspirent immédiatement une confiance aveugle et absolue, ce Monsieur sait de quoi il parle, je suis dans un endroit sérieux!

N'empĂȘche, tout ça c'est bien joli, mais comment je fais pour concrĂ©tiser mon rĂȘve, moi !?

Parce que si je ne me dĂ©pĂȘche pas, pfuit, envolĂ©e, la Merveille...

Il faut croire en ses Dieux car un jour, tataaan, j'ai enfin la somme folle pour l'acheter! Oui, ça y est, je vais rĂ©ussir car les sous sont lĂ , dans ma main et j'en tremble de joie de peur d'angoisse de dĂ©sir de folie de tout ce que vous voulez et plus encore car, imaginez, si une andouille Ă©tait passĂ©e hier soir pour l'acheter sous mon nez, non non non, ça ne se peut! Jamais les Dieux ne permettraient une aussi horrible imfĂąmie, et d'ailleurs la Terre se serait arrĂȘtĂ©e de tourner, c'est sĂ»r.

Court court court Ă  toutes jambes, et Ă  9 heures, je suis devant sa vitrine.

Et là, triomphe, hahaha, il est toujours là... Yeeeee, c'est supeeeeer, purée le pied...

Le vieux ouvre la boutique, et il a compris. C'est mon jour de gloire. Pas besoin de préparer le vélo, il l'avait déjà fait depuis longtemps, il savait, lui. Je ne l'ai pas soupçonné de me l'avoir gardé, j'aurais dû, qui sait?

Il le sort de son Ă©crin et, miracle, me le tend. Toutes les fanfares du paradis sonnent Ă  mes oreilles, c'est trop beau pour ĂȘtre vrai, mais c'est pourtant Ă  moi qu'Ă©choit ce bonheur! 

Comment vais- je oser rouler lĂ  dessus, moi?

Dehors sur le trottoir, le vélo à la main, j'hésite. Il est trop beau, je n'ose pas.

Les rides s'amusent follement, je n'en mĂšne pas large... allez mon p'ti Mich, vas y, monte!

Une derniÚre hésitation, un dernier regard aux rides, un sourire, hop le premier coup de pédale et là ça y est! Je m'envole, pour du vrai de vrai, je ne touche plus terre... le paradis, les gars je sais ce que c'est et ça va durer trÚÚÚÚs longtemps!

Arrivé chez moi aprÚs une course avec Pégase, je le mets contre le mur et là, je redescends - un tout petit peu - sur la planÚte.

Contemplation.

Waaaa....

Il est bleu, mais vous voyez, vraiment le beau bleu bien pĂ©tant. Bleu, quoi. Plein de chromes lĂ  oĂč il faut, la super marque Sturbelle sur le cadre (gage de sĂ©rieux), 10 vitesses, double plateaux et 5 pignons, guidoline bleue, pas de garde boue mais une belle sonnette qui tinte bien dans l'air de cet Ă©tĂ© resplendissant.

Au plus je le regarde, au plus je suis certain. Cette fois, les mecs, il faudra compter avec moi. Parce que le prochain Tour de France, vous savez, celui qui va passer dans ma rue Ă  Molenbeek, juste sous les fenĂȘtres de la Belle pour qui bat mon coeur, ce Tour lĂ , j'ai toutes les chances de le gagner avec ce vĂ©lo! Aucun doutes sur la question, d'autant plus qu'Eddy ne va plus trĂšs fort depuis un an ou deux.

Dommage pour lui, j'aurais aimé l'aider en le tirant dans ma roue arriÚre, mais bon...

Il ne reste plus qu'à m'entraßner avec les copains du quartier, eux aussi éblouis par ma machine. Je les comprends et, j'avoue, les regarde d'un air condescendant, ils ne me battrons jamais.

L'équipement, je l'ai déjà, je viens d'acheter une nouvelle paire de basquets, j'ai un beau short blanc et une casquette que je mettrai à l'envers, évidemment.

Parfois, la Belle regarde par la fenĂȘtre. Mon sprint alors dĂ©passe l'imaginable. Jamais le vĂ©lo ne touche terre.

Quel bel été.

1973, j'avais 12 ans.

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TrĂšs belle histoire, qui me rappelle celle de mon Mercier, que j'ai eu en 1974 et que j'ai toujours. Par contre, de mĂ©moire, c'est en 1975 que le Tour est passĂ© Ă  Molenbeek, aprĂšs ĂȘtre parti de Charleroi. Il y avait eu une 1/2 Ă©tape (il y en avait Ă  l'Ă©poque) entre Molenbeek et Roubaix. Le roi Eddy avait flinguĂ© ce jour lĂ  (le matin comme l'aprĂšs-midi) pour Ă©loigner ses adversaires : il avait pris une minute Ă  ThĂ©venet le matin, et une minute Ă  Zoetemelk l'aprĂšs-midi. Il devait sentir qu'il allait concĂ©der du temps en montagne.

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Attends, à 12 ans, un vélo bleu pétant de la mort, avec une grande pompe blanche! T'imagine!!!

Je n'étais pas non plus branché matériel, mais là j'avais LE vélo! Tous mes copains avaient des vélos de gosse à guidon droit, et je débarque avec un course. Stupeur et tremblement.

La Belle, hélas, ne m'a jamais regardé...

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Bravo. TrÚs agréable à lire.

1968, pour moi, un peu la mĂȘme histoire, fait Ă  mes "mesures".

Merckx marchait vers la gloire, j'admirais Gimondi ...

La vie devant soi ...

Mon vĂ©lo Ă©tait de randonnĂ©e. Je n'avais pas la course en tĂȘte mais la dĂ©couverte du pays ...

Et ce qui a été dit à été fait.

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Haaa ce magasin Sturbelle!!!

Une devanture à l'ancienne, avec chassis en bois peint en vert, un tout petit bouiboui, juste la place pour exposer un vélo (le mien!), deux dérailleurs et trois chaßnes. 

Le vieux en tablier qui sort de son atelier pleins de mystÚres quand tinte la clochette de l'entrée, le petit garçon en culotte courte intimidé mais vachement décidé, les yeux plus illuminés que la voie Lactée...

35 ans plus tard, ce sera le mĂȘme Ă©merveillement devant mon Merckx, avec moins de naĂŻvetĂ© mais tout autant de bonheur.

De bons moments agréables à se remémorer par ce temps maussade.

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Eddy a commencé à fabriquer des vélos aciers aux alentours de 1980. C'est De Rosa qui lui a appris (enfin à son personnel) comment braser des cadres. A l'époque les cadres aciers étaient brasés (à l'étain?) sur des raccords, la soudure TIG est venue plus tard pour les vélos.

Il est bon de signaler que Merckx est parti d'une feuille blanche dans la conception de cadres de vélo et qu'il a eu beaucoup de succÚs, aussi bien chez les aficionados du champion que dans de grandes équipes cyclistes : Motorola (7 Eleven), Kelme, Gan, Lotto, QS,...

Cette seconde carriÚre a été une grande réussite aussi!

 

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Je suis allĂ© choisir mon vĂ©lo dans sa ferme Ă  l'Ă©poque, en 2009, juste au moment oĂč il terminait cette activitĂ©. Je n'ai pas eu la chance de le voir, mais je n'en menais pas large au moment de passer la porte.

Voir Eddy et lui serrer la main... waa, j'en ai rĂȘvĂ© mais je n'ai jamais eu cette chance.

L'année derniÚre, je suis aussi passé à l'atelier de Zellik, en plein déménagement puisque tout a été transféré chez Ridley. C'était gigantesque et d'un professionnalisme à la flamande. Triste aussi, car tout le personnel a été remercié. On sentait comme une ambiance de naufrage, et ça mettait mal à l'aise dans un endroit pareil, chargé de forte valeur émotionnelle.

C'est curieux quand mĂȘme comme on peut ĂȘtre touchĂ© par des moments comme ceux lĂ ... je me souviens tellement bien de tous ces petits instants qui jonchĂšrent ma vie et qui ont trait au vĂ©lo. Depuis le premier, pas le bleu dont je parle en introduction, il y en avait un avant, jusqu'Ă  celui d'aujourd'hui qui est la concrĂ©tisation d'un rĂȘve d'adolescent.

A 56 ans, il est possible que j'en achÚte un autre plus tard, mais le Merckx, c'est sûr, je ne le vendrai jamais.

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j'avais lu que les cycles EM avaient été repris par Ridley

https://www.lecho.be/entreprises/sport/la-marque-ridley-reprend-les-velos-eddy-merckx/9907297.html

mais une partie a longtemps était sous traitée en Asie

http://www.lalibre.be/actu/belgique/les-velos-eddy-merckx-pedaler-avec-la-legende-51b8e7f2e4b0de6db9c60092

http://www.agencesport.be/detail_fr.php?id=14982

donc apparemment il y a 2 sortes de fabrications pour tout public et pour ceux qui en ont les moyens

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L'article de La Libre que cite Jaky ci-dessus se termine par cette phrase énigmatique mais inquiétante :

Minoritaire dans le capital de l’entreprise qu’il a fondĂ©e, Eddy Merckx reste un ambassadeur dont le prestige pourrait ĂȘtre entamĂ© par les soupçons de corruption.

Pourrais-tu nous la décrypter? 

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Qui suis- je pour "décrypter" une telle affirmation, Bernard?

Cycliste de loisir, je laisse à l'auteur de cette phrase la responsabilité de ses écrits et le soin de te l'expliquer. Il ne m'appartient pas de prendre position à sa place, ni de donner mon avis sur la place publique dans un débat dont je ne suis pas partie prenante.

Je ne suis qu'un doux rĂȘveur qui aime flĂąner en profitant du beau temps avec les copains. Le reste, tu sais...

Et ça y est, le post dĂ©vie dĂ©jĂ . Z'ĂȘtes graves, les mecs!

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