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Il était une fois .... Cyrille Guimard.


Michel CREPEL

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Le «Caméléon» Cyrille Guimard ou le talent à multiple facettes !

Malgré une victoire lors de son passage chez les professionnels lors du Circuit des Trois Provinces en 1967, épreuve par étapes situées aux confins des régions Bretonne, Normande et du Maine, très prisée des coureurs locaux de l’époque et, accessoirement, de deux bouquets successifs glanés dans la semi-classique Gênes-Nice en 1968 et 69, le jeune espoir Bouguenaisien, Cyrille Guimard tardait à éclore. Cet ajusteur de formation, rompu aux contraignants, ingrats et exigeants labeurs des chantiers navales de l’Ile de Nantes dès l’âge de 14 ans, avait opté très tôt pour la bicyclette. Médaillé de bronze aux Championnats de France cadet à 16 ans, il intègrera, quatre saisons plus tard, les rangs très convoités de la formation de l’inénarrable homme au béret, Antonin Magne, alors «?patron?» du groupe Mercier BP Hutchinson. C’est donc en plein marasme estudiantin que notre jouvenceau s’apprêtait à livrer ses premières joutes professionnelles. Nous sommes en 1968. Catalogué routier sprinter à l’orée de sa carrière comme le démontrera son titre National en vitesse de 1970 où il rejoint, tout de même, des garçons tels «?Toto?» Gérardin, Lucien Michard ou Michel Rousseau, Cyrille Guimard n’aura de cesse de prouver, tout au long de sa carrière, l’étendue de son registre. Pourvu d’une vélocité aboutie, jamais démentie au fil des saisons, comme le prouvent ses nombreuses victoires à l’emballage, le Nantais s’avère être également un coureur complet comme le démontrent ses nombreux accessits lors d’épreuves atypiques telle l’?«?Enfer du Nord 1969?», le «?Ronde Van Vlaanderen 1971?» ou la «?Primavera 1973?» qu’il termine respectivement au troisième, septième et neuvième rang. Dans le même ordre d’idée, le futur «?manager?» du «?Blaireau?», apprivoise de fort belle manière les épreuves par étapes dites d’une semaine comme Paris Nice, le Tour du Pays Basque, le Dauphiné Libéré ou le Midi Libre, qu’il conquiert d’ailleurs en 1972.

Funambule et rapide lors des arrivées au sprint, rouleur, un tantinet «?Flahute?» sur les pavés de Roubaix et les «?raidars?» qui mènent à Meerbeke, explosif et racé lors des ascensions nerveuses et tourmentées de la Cipressa ou du Poggio di San Remo, Cyrille Guimard possède, désormais, tous les atouts pour devenir à court ou moyen terme un «?saute ruisseau?» acteur incontournable lorsqu’à l’automne de chaque saison le parcours de la Grande Boucle sera dévoilé.

Son baptême du feu aura lieu en 1970 et pour une mise en bouche ce fut «?Gargantuesque?». En effet, après un prologue plus ou moins bien appréhendé où il abandonnera une trentaine de secondes en sept bornes à un «?Cannibale?» plus prédateur encore que de coutume, le sprinter de «?Tonin le Taciturne?», s’adjugera sans coup férir et avec quelle maestria la première étape de ce Tour de France 1970.

Dans les salons de son hôtel de La Rochelle, ville dans laquelle était jugée cette première levée de deux cent vingt borne et qui menait le peloton de Limoges à la préfecture de Charente Maritime et pour les férus d’histoire, cité chère au Cardinal de Richelieu, Cyrille Guimard jubilait. Le lauréat de ce premier emballage venait de recevoir un télégramme de son prédécesseur et «?maître?» en la matière, le «?Basque Bondissant?». André Darrigade, puisque c’est du Dacquois dont il s’agit, tenait à féliciter in extenso et personnellement celui qu’il tenait, depuis son ascension à la notoriété, comme son successeur le plus apte à battre son record de victoires sur le Tour de France à savoir, vingt deux bouquets. Toutefois, ce premier succès ne fut pas acquis dans l’aisance, la facilité, c’est le moins que l’on puisse dire. Il frisa même le burlesque, voir l’ubuesque, lorsqu’Eric Leman, Belge de son état, accessoirement triple vainqueur du «?Ronde?», entonna son récital de finisseur accompli un tour avant la cloche. Guimard eu alors la présence d’esprit, le reflexe inouï vu le contexte anarchique de la situation, de sauter dans la roue, aussi bienveillante que bienvenue, du Batave Leo Duyndam et de planté là, sans autre forme de procès, ces deux «?majestés?» que sont Jan Janssen et Eddy Merckx, dans l’ordre, plus Daniel Van Rijckeghem ! Excusez du peu ! L’opportunisme acéré presque à fleur de peau du Nantais en la circonstance démontrait, s’il en était encore besoin, tout le travail bénéfique effectué depuis deux saisons aux côtés de «?Tonin?le Sage».

Cyrille Guimard achèvera, finalement, sa «?kermesse de juillet?» au 62ème rang, mais initialement, l’important n’était pas de faire une place au général mais d’engranger de l’expérience et se situer par rapport à ses adversaires potentiels pour l‘avenir. Toujours présent en compagnie du gratin lors des étapes en ligne, il s’est découvert des aptitudes d’escaladeur en ouvrant la route et en basculant en tête au col des Mouilles sur la route de Thonon et en récidivant le lendemain au col de Leschaux lors de l’étape menant le peloton à Grenoble. En revanche, ses carences criantes dans l’exercice du contre la montre, sans être rédhibitoire à long terme, semble problématique dans l’optique d’une future présence au sommet de la hiérarchie finale. En revanche, sa relative absence de la tête de course lors du dénouement en haute montagne tient, sans aucun doute, au fait que Guimard ne «?jouait?» pas, cette année là, une place au général. Donc, le jugement porté, si jugement il y eut, sur ses agissements en altitude s’avèrerait erroné car tronqué du fait de son manque flagrant de motivation. Maintenant, il serait bon de rappeler que le vice-champion de France (titre honorifique qu’il aurait pu obtenir à l’issue du déclassement de Paul Gutty, contrôlé positif) n’est âgé que de 23 ans à l‘époque des faits. Ce Tour 1970 verra un Eddy Merckx toujours aussi intraitable et implacable se succéder à lui-même, étendant encore un peu plus son hégémonie sur la discipline. A l’instar de la saison précédente, où pour son premier Tour de France, le «?Cannibale?» avait trusté l’ensemble des maillots et classements mis en jeu et repoussé son dauphin, Roger Pingeon, au-delà du quart d’heure, le Belge s’est montré tout aussi impétueux mais cependant moins boulimique, en abandonnant pour cinq misérables points le maillot vert à son compatriote Walter Godefroot et en reléguant son second, Joop Zoetemelk en dessous du quart d’heure. On se console comme on peut !

La Grande Boucle 1971, dominé par le duel épique entre Eddy Merckx et Luis Ocana, laissera peu de place aux péripéties autres que la dramaturgie de cette joute d’anthologie qui virera, finalement, au sinistre dénouement du col de Mente. Les passes d’armes entres les deux belligérants furent tellement nombreuses, étourdissantes, délirantes même et denses en émotion «?kaléidoscopique?» que parfois toute cette débauche de situations «?abracadabrantesques?» nous semblait irréelle, psychédélique. («?Ma Légende du Vélo?» Tome 1)

Au milieu de ce «?capharnaüm pugilistique?» Cyrille Guimard, tirera à merveille son épingle du jeu et confirmera pleinement les espoirs placés en lui à l’issue de sa superbe prestation de 1970. Toujours aussi omniprésent lors des arrivées d’étape en ligne, le «?joker?» de la formation Mercier forcera le respect en affichant les énormes progrès réalisés en l’espace d’une saison en montagne. Sa septième place au sommet du «?Géant Auvergnat?», le Puy de Dôme derrière Ocana, Zoetemelk, Agostinho et Merckx, certes mais devant Thévenet et Motta, son cinquième rang à Grenoble après avoir escaladé le Cucheron et Porte, entres autres, derrière Ocana, toujours mais devant Van Impe et Merckx, en personne, démontre, s’il était nécessaire le fabuleux travail accompli durant l’inter saison et la confiance inébranlable emmagasinée depuis sa prise de conscience suite à ses passages en tête des cols lors de l’exercice précédent. Enfin pour couronner le tout, son aversion à l’effort solitaire, qui n’était apparemment qu’illusion est presque devenu un atout. Sa quatrième place à Albi sur seize bornes à 24?secondes du «?Cannibale?» mais à 11 de l’?«?Espagnol de Mont de Marsan?», son honorable neuvième place en haut de Superbagnères après neuf kilomètres de grimpette et le même accessit sur plus de cinquante bornes linéaires à l’arrivée sur l‘anneau en ciment de La Cipale, prouvent une fois de plus que le «?Petit Nantais?» est mûr pour défier, à défaut de le tutoyer, l’ogre Bruxellois. Septième à Paris à plus de vingt minutes du Belge, deuxième Français derrière le «?Bourguignon?», coureur essentiellement libellé «?Tour de France?», à 24 piges, l’avenir laisse augurer des lendemains enchanteurs. Enfin, nous étions en droit de le subodorer. Cyrille Guimard clôturera sa saison 1971 de la plus belle des manières en obtenant la médaille de bronze des «?Mondiaux?» de Mendrisio. Il sera devancé sur la ligne par deux fuyards appartenant à la caste très convoitée des «?Fluoriclasse?» à savoir, dans l’ordre, le «?Cannibale?» et le «?Bergamasque?». Merckx et Gimondi, auteurs d’un mano a mano d’anthologie termineront plus d’une minute devant notre Français qui règlera au sprint et en petit comité, le groupe de poursuivants auquel il appartenait en compagnie de l’Italien Giancarlo Polidori, du Belge Georges Pintens et du Danois Leif Mortensen. Lauréat du Prestige Pernod, titre honorifique destiné au meilleur Français de la saison écoulée, Guimard aura bien mérité de ses compatriotes pour cette saison bien remplie.

La chute malencontreuse du col de Mente en 1971 avait attisé plus que de coutume les sensibilités déjà à fleur de peau d’Eddy Merckx et de Luis Ocana à l’aube de cette saison 2012. L’animosité entres les deux protagonistes atteignait son paroxysme à tel point que chacun des deux belliqueux se répandait, par voie de presse, en déversant leur «?fiel cyanuré?» . L’Espagnol orgueilleux à l’extrême clamait haut et fort que jamais, le Belge ne l’aurait terrassé sans son fâcheux accident. Le Belge, pour sa part, rétorquant que le plus Français des Ibères parlait trop et que son palmarès sur le Tour parlait pour lui. Les mois précédent le départ d’Angers furent pour le moins électrique. Sur le Giro, Merckx confronté à une coalition Espagnol, composé de Fuente, Galdos et Lopez Carril avait éprouvé toute les peines du monde à se débarrasser du premier nommé. José Manuel Fuente, leader de la formation Kas, grimpeur de poche à l’ancienne avait causé de grosses et amères misères au «?Cannibale?», remportant au passage deux étapes de montagne, cela va sans dire, pour finalement prendre la place de dauphin à moins de six minutes de l’indéracinable représentant d’outre Quiévrain. Bernard Thévenet, s’offrait, pour sa part, un Tour de Romandie de bonne facture devant Lucien Van Impe. Le «?Bourguignon?», toujours accompagné du «?Lilliputien?» Belge rejoignit bientôt Luis Ocana et tous les autres favoris du côté de Chalon sur Saône. En effet, tous, à l’exception de Merckx, décidèrent de se mesurer sur les routes escarpées d’un Dauphiné Libéré appétissant à défaut d‘alléchant. Si Luis Ocana s’adjugea l’épreuve chère à Thierry Cazeneuve devant Thévenet et Van Impe, c’est Roger Pingeon qui se montrera le plus à son avantage même si, une nouvelle fois victime d’un genou récalcitrant, «?La Guigne?» du se résoudre à abandonner ses compagnons de route et bâcher alors qu’il était ceint du maillot de leader. A la décharge du leader des Bic, il est à noter que durant toute sa préparation celui-ci du surmonter une bronchite tenace suivie d’une grippe carabinée. Terminer en tête d’une épreuve aussi exigeante dans ces conditions boosta un peu plus le moral alors friable et sujette aux doutes de la formation dirigée pas Maurice de Muer.

Au départ du prologue d’Angers, ce 1er juillet 1972, les favoris à la victoire finale s’avèrent être peu ou prou les mêmes que la saison précédente. Si Merckx et Ocana, dans cet ordre, font figure d’épouvantail et trustent les deux premières places des parieurs zélés du «?Café du Commerce?», derrière c’est la bouteille à l’encre. De Bernard Thévenet à Felice Gimondi en passant par Roger Pingeon, Joaquim Agostinho, Lucien Van Impe, Joop Zoetemelk, Cyrille Guimard, tous possèdent les arguments pour jouer les empêcheurs de tourner en rond et pourquoi pas de créer la sensation. Sans parler du retour de l’enfant chéri de tout un peuple, j’ai nommé Raymond «?Poupou?» Poulidor, absent l’année précédente pour raisons commerciales (Europe 1). A ce propos, la nouvelle formation Gan Mercier de Louis Caput et de Claude Sudres superbement armée avec Guimard et «?Poupou?» promettait énormément.

D’ailleurs, la mise en bouche des Mercier est tout sauf insipide. Après la victoire du «?Cannibale?» lors du prologue à l’issue duquel il revêt le paletot de leader, Guimard décide de rendre coup pour coup et s’adjuge à son tour l’étape du lendemain devant Wright, Kartens, Van Linden, Merckx, Basso, Verbeeck, s‘il vous plaît, engrange les bonifications et chipe le maillot jaune des épaules du Belge ébahi. Un vrai chassé croisé s‘engage. Le Nantais est sur un nuage. Il saute sur tout ce qui bouge, sprinte aux sommets de toutes les côtes, participe à tous les «?Points Chauds?». Sa boulimie soudaine émerveillera, une fois n’est pas coutume, Jacques Goddet. Peu disert et très réservé à son endroit d’ordinaire, le «?boss?» se laissera alors aller à quelques louanges du plus bel effet : «?J’ai l’impression que nous assistons à l’épanouissement d’un champion de style très moderne, adaptant avec une intelligence consommée ses moyens particuliers et sa technique aux besoins et aux développements de la course. Il dispose à la fois, du maillot jaune et du maillot blanc. Il est resté dans l?‘allure des rouleurs au prologue d’Angers; il a remporté le «?Point Chaud?» du jour et les six secondes de bonification qui y sont attachées; il s’est classé premier et second au sommet des deux côtes de la journée; et il a été, par-dessus le marché, récompensé comme ayant été le plus combatif de la course. Qui fera jamais mieux ??» Pas grand monde, effectivement !

Cyrille Guimard abandonnera pourtant son maillot jaune à l’issue du chrono par équipes de Saint-Jean-de-Monts mais le reprendra lors de la quatrième étape qui conduisait les coureurs à Royan. Cette étape sera meurtrière à cause du vent de trois quart et des «?bordures?» que cela engendra. Le bocage Vendéen étant propice à ce genre d’exercice atypique et périlleux, il ne fut donc pas étonnant de voir certains favoris plus «?flahutes?» que d’autres moins rompus aux épreuves du Nord, se porter en tête de peloton et se mettre à la planche. A l’exception de Poulidor, Pingeon et Agostinho tous les favoris figureront dans le groupe de tête à l‘arrivée. Le débours de trois minutes concédés par nos trois coureurs inattentifs sera rédhibitoire et par voie de conséquence, ils se retrouveront de facto écartés de la lutte à la victoire finale.

Guimard est toujours ceint de jaune au soir de la première journée Pyrénéenne. Le «?Breton?» assidu s’est maintenu avec talent dans le sillage de Merckx tout au long de l’étape et terminé deuxième derrière Yves Hézard à Pau. Tous les favoris sont présents dans ce groupe excepté Luis Ocana retardé par une crevaison inopportune dans le Soulor au moment précis où le «?Cannibale?» posait une mine sismique dans le seul but de faire «?sauter?» Guimard, le présomptueux, l’usurpateur. Ce fait de course des plus anodins aura, paradoxalement, des conséquences dramatiques pour le jeune espoir Français de 22 ans, Alain Santy. Pris dans la chute, consécutive au dérapage d’Ocana, en quête d’un retour trop précipité à l’avant de la course, du côté d’Arthez-d’Asson, en compagnie de Thévenet, le Nordiste, au contraire du «?Bourguignon », ne se relèvera pas. Victime, entre autre, d’une fracture de la deuxième vertèbre cervicale, le visage ensanglanté, Alain Santy demeurera six mois le cou emprisonné au sein d’une minerve. Jamais, le natif de Lompret, ne confirmera les espoirs placés en lui à l’aube d’une carrière que tous les suiveurs s’autorisaient à penser qu’elle serait riche de succès. Outre Santy, cette étape avait fait de gros dégâts et nul doute que les aléas générés lors de celle-ci laisseraient des traces indélébiles. Thévenet commotionné mettra un long moment à se remettre de cette chute, même un bref passage à l’hôpital n’annihileront aucunement les séquelles engendrées par cette dernière. Van Impe et Agostinho, pour leur part, avait perdu dans l’affaire un temps infini et se demandaient encore quel stratagème ourdir afin de refaire leur important retard et enfin, Luis Ocana avait pris froid.

Le lendemain, lors de l’étape Pau - Luchon, Eddy Merckx décida d’étouffer la «?jacquerie?» ambiante en s’imposant avec autorité devant Van Impe et Ocana. Au général, Guimard second, se retrouvait relégué à plus de deux minutes, juste devant Ocana, troisième. Idéalement placé au commande de l’épreuve, à la veille d’aborder les Alpes, Eddy Merckx

apparaissait plus serein que jamais. Lors de la 11ème étape, le Belge contrôla admirablement la montée du «?Géant de Provence?» abandonnant la victoire à un Thévenet requinquer mais largué au général tout en contrôlant magistralement la concurrence. Merckx conservera pour le fun le premier accessit derrière le leader des Peugeot devant Ocana, Poulidor et les autres. Cyrille Guimard abandonnait encore une minute trente dans l’affaire. Néanmoins, on sentait poindre du côté des Mercier, et ce depuis un petit moment déjà, une rumeur insidieuse et inquiétante selon laquelle le Nantais se ressentirait de son genou. Les médecins consultés crurent déceler une tendinite. Il ne fallait pas être grand clerc pour, effectivement, subodorer qu’à ce moment de la course Cyrille Guimard souffrait d’une tendinite tenace. En revanche, je ne m’associerai nullement aux nombreuses supputations et allégations plus ou moins crédibles et souvent farfelues sur le pourquoi du comment. Certains avancent des choix de matériel par trop audacieux, des «?manivelles?» plus longues que d’ordinaire agissant sur les muscles et entraînant des traumatismes ligamentaires du genou etc. …. Toujours est il que du côté d’Orcières Merlette à la veille de l’étape de repos, Guimard eu toute les peines du monde à suivre le groupe de tête. Toutefois, à force de courage et d’abnégation, Guimard parvint non sans mal à ne concéder qu’une poignée de seconde sur ses principaux rivaux au général.

Le Nantais demeurera cloîtré dans sa chambre d’hôtel toute la journée de repos. Il se laissera même aller à quelques confidences sur un possible retrait de l’épreuve ces prochains jours si d’aventure, le mal perdurait. A Briançon, où Merckx réalisa encore un numéro homérique afin d’asseoir définitivement son emprise sur l’épreuve, Cyrille Guimard tenta une nouvelle fois de limiter la casse. Il y parvint de fort belle manière en prenant la troisième place de l’étape juste derrière Felice Gimondi. Ocana, malade et en grande difficulté, le Mercier confortait sa place sur le podium. Le «?Cannibale?» récidivera le lendemain sur les pentes du Galibier au sommet duquel Guimard même amoindri reprenait du temps et la seconde place au général à Ocana, pour une trentaine de secondes. La question était, à ce moment là de la course, de savoir qui du Français ou de l’Espagnol était le plus mal en point.

L’étape menant les rescapés de Valloire à Aix les Bains par les cols du Télégraphe, du Grand Cucheron et du Granier, nous donnera un semblant de réponse. En effet, surmontant ce mal sournois et lancinant qui le rongeait un peu plus à chaque instant qui défilait, Cyrille Guimard règlera le sprint du groupe de tête pour remporter une victoire à la Pyrrhus devant Merckx, Gimondi, Zoetemelk, Van Impe, Agostinho, Poulidor, Martinez et Delisle. Vous avez bien lu, pas de Luis Ocana dans le lot. L’Espagnol à la limite de la rupture, rendra les armes et ne reprendra pas le départ le lendemain pour l’étape du Revard. Luis Ocana abandonnait donc le Tour pour la troisième fois en quatre participation. Il n’assistera donc pas au triomphe de Cyrille Guimard au sommet de cette montée sèche de 28 bornes. Un triomphe et un nouveau succès de prestige car il précédait au sommet Merckx, d‘un centimètre (après photo finish), Van Impe et «?Poupou?» !

On ne parlait plus de tendinite au sein de la caravane concernant la douleur au genou de Cyrille Guimard mais d’épanchement de synovie. Bientôt, le mal empira et concerna les deux genoux. Le soir il ne quittait plus son lit et dînait allongé. Pour rejoindre la ligne de départ, on le portait sur une chaise avant de le placer sur sa selle. C’était une abomination de voir ce fier guerrier bataillant avec vigueur et panache une semaine auparavant ainsi dépourvu des atouts qui l‘avait mené jusqu‘au sommet de la hiérarchie de ce Tour 72. Les genoux bandés il n’était plus capable de marcher ni de se déplacer normalement. Des remèdes de charlatans et de grand-mère lui furent prescrit, en vain évidemment. Des infiltrations de novocaïne lui permettait toutefois de sauver les apparences et d’entretenir l’illusion. Jusqu’à quand ? Nombre de proches de son entourage, amis, partenaires et adversaires le pressaient de rendre les armes et d’abandonner, en pure perte. Il bénéficiait également de la complaisance bienveillante de ses adversaires conscients que le Nantais souffrait le martyre. Cette place de dauphin était si proche et si loin en même temps. Finalement, elle l’abandonna définitivement, l’avant-veille de l’arrivée, sur la route menant les rescapés, de cette 59ème édition du Tour de France, de Belfort à Auxerre du côté de Vesoul, la bien nommée.

Meurtri, dépité, on le serait à moins, Cyrille Guimard assistera comme invité de l’organisation à l’arrivée sur la piste de La Cipale à Vincennes où son adversaire le plus farouche et vainqueur incontestable et incontesté de son troisième Tour de France consécutif, Eddy Merckx, bon prince, lui offrit son maillot vert. Tout un symbole que le principal intéressé du goûter que très modérément, à mon humble avis. Bref !

Cyrille Guimard terminera la saison en s’offrant une seconde médaille de bronze à Gap derrière les Transalpins Marino Basso et Franco Bitossi mais devant ….. Eddy Merckx ! En outre, il achèvera sa saison sur la troisième marche du podium du symbolique et très honorifique Super Prestige Pernod, derrière le «?Cannibale?», bien évidemment, et «?Poupou?».

Cyrille Guimard ne sera plus jamais en mesure de rééditer ses superbes prestations passées lors des saisons suivantes. J’ai tout lieu de subodorer, que la cause de cet énorme gâchis tient au fait que le Nantais a sans doute trop demandé à un physique passablement entamé lors de ce fameux Tour 72. Mais seul Cyrille, lui-même, possède la réponse à cette interrogation qui pour moi demeurera une interrogation comme tant d‘autres.

Guimard poursuivra sa carrière jusqu’en 76 et glanera ici et là quelques succès de prestige dont deux nouvelles victoires sur la Grande Boucle. Curieux de tout et novateur invétéré, il s’essaiera au «?Derby?» qu’il terminera au deuxième rang, en 1973, derrière son compatriote Enzo Mattioda mais devant un des meilleurs spécialistes, le Belge Walter Godefroot. Pour sa dernière saison il deviendra Champion de France de cyclo cross et dans la foulée butera au pied du podium des Mondiaux de la discipline à Chazay d’Azergues, derrière les spécialistes Suisses Zweifel et Frischknecht et le Français André Wilhelm.

Au soir de sa retraite de coureur cycliste, cet éternel insatisfait embrassera la carrière de manager, formateur, recruteur, directeur sportif (au choix). Dénicheur de talent exceptionnel, Il exercera ces nouvelles fonctions et œuvrera avec le même professionnalisme, le même talent, la même passion et la même réussite insolente que lors de ses innombrables prouesses cyclistes. Cette seconde vie, fera l’objet d’un deuxième chapitre.

Michel Crepel

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joli boulot michel, je vois que tu connais ton sujet

depuis qu'il est à la téte de roubaix, il n'a toujours pas réussi a nous dénicher la grande recrue.

tronet et boulot ne sont pas trop mal mais j'aurai cru mieux.

après le souci de roubaix, c'est qu'ils courrent peu et les gars manquent de rythme.

encore bravo pour ce sujet détaillé

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Merci Lionel d'avoir pris le temps de le lire. Les lecteurs deviennent denrée rare de nos jours. A leur décharge, ce récit est particulièrement long mais peut on résumer une carrière en dix lignes, j'en doute. Quoiqu'avec certains coursiers d'aujourd'hui ..........😉

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Michel j'ai  lu ton superbe récit, j'avais 8 ans à l'époque, supporter de Merckx évidemment (je suis belge), je me souviens des journalistes (de l'ORTF) qui criaient Guimard, Guimard!Je cois que c'était Leuliot entre autre?Puis après on n' en a plus entendu parler jusqu'à ce qu'il devienne un des meilleurs directeur sportif qui ait existé (Hinault, Mottet, Fignon,...)

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Super récit toute mon enfance que d'images.Ayant habité Chalon sur saône j'étais sur l'étape dont tu parles ayant vu de très près le grand luis Ocana que connaissait mon père avec mes yeux d'enfant je ne t'explique pas ce que je ressentais 25 ans après j'ai rencontré le grand Cyril Guimard chez mon ami Tinazzi qui me parlait d'un grand espoir français qui est tombé vite vite dans les oubliettes raconte nous encore des histoires comme celle ci.A bientot michel. guimard super coureur et d s  mais moi  le top c est degribaldy  mes amis sont passes pro chez lui😉

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merci de m'avoir fait effectuer un voyage dans le passé je me souviens surtout d'un coureur malin,rapide,teigneux et de ces fameux problèmes de hauteur de manivelles.........que de papier écrit la dessus .........

j'avais oublié cet élegant et excellent coureur qu'était Alain Santy 

au plaisir de lire le deuxieme chapitre

 

 

 

 

 

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Bonsoir

Cher Michel je te lirais des heures, les tours de France des années 60/70, ceux de ma jeunesse, sont toujours imprimés dans ma mémoire et je dois avouer que j'ai un gros faible pour l'équipe Mercier dont Cyrille Guimard fut un des coureurs emblématiques à cette époque.

Souvenez vous des Raymond Poulidor (j'ai encore la chair de poule de repenser à l'étape du Plat d'Adet de 74), des Jean Pierre Genet, Barry Hoban, Alain Santy, la liste des coureurs au maillot violet puis bleu et blanc Gan Mercier serait longue à énumérer.

Cyrille Guimard fut à cette époque un des meilleurs coureurs français et son duel avec Eddy Merckx lors du Tour de France 1972 fit le bonheur des passionnés de cyclisme.

Je me souviens d'une photo de l'arrivée de Génes-Nice vue sur le Miroir du cyclisme de mon Papa ou Cyrille Guimard devançait d'un boyau Jan Janssen ( sérieux client : Tour de France + Paris-Roubaix + Championnat du Monde).

Merci de titiller notre mémoire nostalgique.

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Salut Thierry ! Il est certain que ce sont des Tours, ceux des années 70-75, qui ont marqué la mémoire collective. Surtout des Européens, des "gus" nés pendant ou juste après la "baby boom" tel que moi, par exemple ! (o) Je tiens, le pari, aux plus jeunes même si je ne souhaite pas nécessairement gagner qu'ils n'auront pas la même "nostalgie" des années Armstrong, Contador, Schleck, Basso, Boonen .......... dans 40 - 50 piges que nous des Anquetil, Poulidor, Merckx, Maertens, De Vlaeminck, Van Looy, Godefroot, Gimondi, Adorni, Zoetemelk, Ocana, Coppi, Bobet, Bartali, Koblet ....... et là j'en passe des wagons par rapport aux années 2000 !😉

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Au sujet de roubaix-lille metropole, tu as parfaitement raison, le manque de compétition , est vraiment le gros prb de cette équipe ! vraiment dommage pour un garçon comme anthony colin, qui a un profil identique a david boucher,un dur au mal, qui aurait mérité une place a la fdj .  j'étais présent sur les 4jrs de DUNKERQUE ainsi que sur le circuit du pévele , et la question qui revient souvent est : "mais que fait cette équipe ds les rangs pros " ????!!  Une équipe trop faible pour un tel niveau, régulièrement battu par les dn1, un budget trés,trés limité, un manque criant de competition car trés peu invité,et des coureurs d'un niveau trop faible  . je crois qu'un retour en dn1 serait la meilleure des choses pour roubaix , d'ailleurs auber et a peu près ds le meme cas !

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