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Giro 2016


Didier SALEMBIER

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Après trois semaines d’un « combat douteux », quant à son issue, acharné et intense, le 99ème opus du Giro d’Italia (Tour d’Italie), premier chaînon du triptyque Européen a dévoilé, ce dimanche, le nom de son César version 2016. Vincenzo Nibali, puisque c’est de lui dont il s’agit ne déparera pas le moins du monde à ses devanciers, bien au contraire. Par certaines de ses attitudes et ses élans de générosité dans l’effort, le Sicilien a rappelé à certains sages de ce sport, des figures de légende qui naguère ont illuminé leur adolescence morose, amère et par trop douloureuse de l’après ou du juste avant-guerre, tels Gino Bartali, le « Pieux » ou Fausto Coppi, le « Bien-aimé ». Seule la présence au firmament de leur discipline de ces deux pygmalions des temps modernes, philanthropes des causes perdues, leur a permis de surnager à l’effroi de cette période glauque. Sans le côté dramaturgique née de la situation de l’époque, le « Squale de Messines » a réinjecté, en cette fin de semaine jouissive, à des milliers de tifosi, la passion de notre sport qui, même si elle ne les avait jamais vraiment abandonnés, ne transcendait plus par les actes homériques et épiques, cette foi que ces derniers avaient déployé en elle durant maintes et maintes années. Vincenzo Nibali, décrié par nombre de ses anciens adorateurs a prouvé, une nouvelle fois, contre toute attente et malgré les obstacles et les tracas inhérents au sport cycliste qui ne l’ont, pas plus ni moins épargné qu’un autre lors de ces derniers jours, que la rage de vaincre et le panache qui sied tant à son tempérament volcanique exacerbé et dont il a sans cesse  été animé, n’était pas le seul fruit de notre seule imagination fertile. Sublimé et ô combien protégé par une cohorte de légionnaires tout acquis à sa cause, le lauréat des trois grands Tours est parvenu à redresser une situation des plus compromises, il y a trois jours encore. Le Sicilien inscrit donc un second Tour d’Italie, après 2013, à sa moisson de Grands Tours (Quatre, 2 Giro 2013-16, 1 Tour 2014 et une Vuelta 2010, série en cours) qui commence à devenir significative et suffisante pour figurer dans la hiérarchie restreinte des meilleurs coureurs de grands Tours de l’histoire du cyclisme.

 

Ce 99ème Tour d’Italie aura, également, démontré que l’absence des « cadors » de la discipline n’a nullement nuit à la passion ressenti pas tous ceux qui ont assisté, de près ou de loin, aux joutes souvent épiques que ce sont livrées les acteurs de cette pièce en trois actes où rien a manqué. Toute la diversité de notre sport est apparue lors de ce Tour d’Italie. Des emballages de grand standing orchestrés par les formations les plus accomplies du moment en matière de convois à grande vitesse et conclus par les, sans l’ombre d’un doute, plus efficients artificiers, véritables « hurdlers des aires d’arrivée » de ces cinq derniers saisons, les Teutons, Marcel Kittel, le « Déménageur d’Amstadt » et André Greipel, le « Gorille de Rostock », respectivement vainqueur de deux et trois étapes et à un degré moindre, un troisième représentant d’outre Rhin, Nikias Arndt qui bénéficiant de circonstances avantageuses s’est octroyé la plus symbolique et la plus honorifique des étapes, celle de Turin, terme de cette 99ème édition. Des baroudeurs, Tim Wellens, Gianluca Brambilla, Giulio Ciccione ou Matteo Trentin qui, trop souvent revus aux abords des aires d’arrivée, sont parvenus, à force d’abnégation, de persévérance et d’acharnement, à finalement nourrir leur dessein originel en couronnant tant de sacrifices par la conquête d’un « Graal » inespéré. Des puncheurs hétéroclites aptes à saisir toutes les bonnes et rares occasions pour devancer les « grosses cuisses » à l’approche de leur sacro-saint terrain de jeu, sont apparus vifs, efficaces et opportuns, tels Diego Ulissi ou Roger Kluge et ne regretteront certainement pas d’être venus. Les maîtres de temps, Tom Dumoulin et les invités surprises Primoz Roglic et Alexander Foliforov qui, de leur capacité à maîtriser ce dernier tout en gérant l’effort déployé sont parvenus, à leur tour, à accéder à la caste très prisée mais encore extrêmement confidentielle des esthètes de l’effort solitaire.

 

Enfin les montagnards leaders ou non, équipiers valeureux ou sans grade en perdition, trop juste pour figurer au sommet de la hiérarchie de l’épreuve se lançant aveuglément, à corps perdu au sein de raids, dits suicidaires et qui, par l’entremise d’un attentisme effréné et parfois coupable des leaders en place dénichent au plus profond d’eux les ressources nécessaires pour hisser le petit au bout comme sont parvenus à le réaliser, Mikel Nieve ou Rein Taaramäe. Demeure le haut du panier à savoir, ceux qui par essence ou par défaut ont été choisis, parfois arbitrairement, pour animer les trois semaines de course et qui, nantis de capacités aptes à leur prédire une place au soleil y sont parvenus, y ont laissé des plumes ou bien se sont liquéfiés à mesure des difficultés rencontrées tout au long d’un parcours inhospitalier semé d’embûches de pièges et de rets de toutes natures. Comment ne pas citer en premier lieu le « Dindon de la farce » en la personne de ce Néerlandais, issu d’un village du Brabant, Nuenen, célèbre jadis, pour avoir été le cadre de l’Opération Market Garden, qui tenta en partie d’œuvrer à accélérer le processus de libération de notre vieille Europe, j’ai nommé, Steven Kruijswijk. Dernier joyaux, survivant, d’un écrin d’où sont éclos les Robert Gesing, Bauke Mollema, Stef Clement, Thomas Dekker ou Martijn Maaskant voir Jos Van Emden, cet éternel espoir qui n’a pour référence qu’un modeste titre de Champion des Pays-Bas Espoirs en 2009 et accessoirement un aléatoire succès lors de l’Artic Race of Norway 2014, s’était depuis deux ans, révélé au yeux du grand public en se montrant omniprésent à l’occasion du Giro, épreuve extrêmement exigeante, s’il en est. Ainsi, lors de l’édition précédente, Steven Kruijswijk fut de toutes les envolées et inspirations décisionnelles des favoris patentés et surtout lors de la troisième semaine qui s’avéra infernale dans sa physionomie et lors de laquelle, généralement, les plus faibles s’éteignent immuablement. Septième à Milan, il n’en fallait pas plus pour voir la cote du Batave remonter avec fulgurance.

 

Même si son quinzième accessit lors de la « Kermesse de Juillet » accompli, un peu moins d’un mois après un effort extrême de trois semaines, n’est évidemment pas étranger à cet état de fait.  Le plus ardu étant de concrétiser les espoirs placés en lui, Steven Kruijswijk ne mit pas longtemps à démontrer à ses détracteurs, que ceux-ci n’étaient nullement usurpés, loin s’en faut. Fin tacticien, il parviendra à atteindre les contreforts de la troisième et décisif semaine dans l’aspiration du « Vétéran » Murcien Alejandro Valverde et devant le favori déclaré de l’épreuve, le Sicilien Vincenzo Nibali. Le week-end lui sera suffisant pour s’affirmer comme le nouveau patron de l’épreuve chère à Eugenio Camillo Costamagnana et Tullo Morgagni. Sans cependant s’adjuger la moindre étape et privé d’équipiers lorsque la course s’animait, il régentera, alors, celle-ci à la manière d’un orfèvre rompu à ce genre de, pour le moins, délicate posture. Seul ou peu ou prou, il atteindra sans heurts l’ultime week-end en ayant, en outre, accru son pécule temps de façon substantielle. Trois minutes, il n’en fallait, évidemment pas d’avantage pour anéantir toutes velléités belliqueuses de belligérants en quête de rédemption, à l’image d’un Vincenzo Nibali, atrophié par l’enjeu ou en proie à une condition précaire, d’un Esteban Chaves parvenu là où, dans ses rêves les plus extravagants, il n’aurait jamais songé se retrouver voir d’un Alejandro Valverde, à qui l’on apprend plus à faire la grimace et qui avait accepté, de bon gré comme de coutume, depuis quelque temps déjà, la supériorité écrasante du citoyen de la nation des polders.

 

Le cyclisme peut souvent se montrer cruel et parfois même odieux et révoltant, injuste et même diabolique mais quelque part, c’est ce qui fait aussi son charme. Démoniaque, machiavélique, certes, j’en conviens mais la dramaturgie fait partie intégrante de la « Petite Reine » depuis la nuit des temps et Steven Kruijswijk l’a appris à ses dépens ce vendredi 27 mai 2016. A la bascule de l’abominable Colle Dell’Agnello (Col d’Agnel, c’est moins porteur) au détour d’un lacet anodin, alors que le danger semble passé, une furtive mais ô combien coupable absence de concentration et soudain le trou noir, le néant, l’apothéose tant attendue subitement piétiné et sacrifié, bien malgré lui, sur l’autel de la malchance. Comment se relever après pareille désillusion, après une telle désolation. La congère de neige ayant eu raison du Néerlandais, dans le même temps, à quelques hectomètres en aval, Vincenzo Nibali régénéré profitera de l’aubaine pour s’offrir un final digne d’un « Marc Antoine » libérateur de tout un peuple.

 

Relégué sur le quatrième strapontin, le second étant réservé à l’Andin de service, Esteban Chaves, la dernière place sur la boîte reviendra à celui qui fait souffler le chaud et le froid au sein de la communauté des pseudos bien-pensants de ce sport pour sa propension à s’octroyer des victoires. Une fois de plus, Alejandro Valverde nous aura bluffé. A la retraite du Murcien, je réserverai la primeur à la communauté suscitée, un récit de ses exploits.

 

 

S’il fallait libellé ou millésimé, ce Tour d’Italie à la manière des vins, je situerais à la limite des bons et des grands crus. Mais pour être tout à fait complet, j’ajouterai pour terminer que la dernière semaine fut un excellent millésime !

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Tu as la Winston Salem Cycling Classic ce soir, il y a un streaming je crois

Bon là, faut être motivé, à la place de Nibali et Chaves, tu as Murphy, Canola, Boivin, McCabe ou Haedo 😉

Ah si, il y a Chris Horner, toujours là à 78 ans, mais comme c'est un circuit assez peu accidenté ça ne devrait pas lui convenir

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Il a surtout profité de la chute du batave comme il a su profité des abandons de froomy et nairo ya deux ans sur le TDF...

Il n'a pas triché et reste un coureur exceptionnel.

Mais ces deux dernières victoires lors de grands tours sont le fruit de circonstances extarordinaire.

L'hollandais méritait la victoire ce qui ne veut pas dire que le sicilien l'a volée cette dernière...

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