Allométrie

[Bernard MOREAU]

 

Quand on fait une recherche sur le site pour le terme "allométrie" on ne trouve qu'une seule discussion dans laquelle d'ailleurs pour une fois Eric Artus avait été très constructif (page 3).

Pourtant je suis persuadé que nous avons eu plus récemment une discussion sur ce forum dans laquelle la notion d'allométrie était très pertinente, mais je n'avais peut-être pas utilisé ce terme et seulement les idées qui la sous-tendent. Il faut dire que sous l'influence de je ne sais plus qui la discussion partait en couyes et je n'avais pas insisté.

Toujours est-il que les études d'allométrie montrent que dans toutes les espèces vivantes le VO2 se réduit avec la taille, ce qui explique que les gros cul montent moins vite les cols que les cyclistes aux muscles plus fins et élancés. Heureusement 😆 l'Epo a remis un peu d'équité à partir de 1990 😲.

Or (mais où est ni car?) donc en cherchant un doc hier soir je suis tombé sur l'article ci-dessous que j'avais conservé sur mon ordi et comme il ne semble plus être accessible sur le web j'ai pensé qu'1 ou 2 d'entre vous pourraient être intéressés et j'ai pris la liberté de l'imprimer en totalité, réf comprises.

Bonne lecture

S197 Interprétation de l’épreuve VO2max : l’« allometric scaling » permet d’éviter les erreurs causées par l’expression relative classique du VO2 en ml.kg-1.min-1

 

L’évaluation de l’aptitude physique est d’une importance capitale pour aider l’entraîneur à optimiser son entraînement. L’aptitude physique aérobie, qui conditionne grandement la performance d’endurance, peut être évaluée sur le terrain ou en laboratoire. Les éléments-clefs de l’aptitude aérobie sont le VO2max, l’économie de course et les seuils (ventilatoires ou lactiques). Dans ce contexte, l’évaluation de laboratoire par l’épreuve VO2max, est très largement utilisée de par le monde. Il s’agit de mesurer les consommations d’oxygène (VO2) lors d’efforts maximaux (VO2max) ou sous-maximaux (seuils ventilatoires et coût énergétique ou économie de course).

CADRE THÉORIQUE

Le VO2, qui représente un débit, est mesuré en l.min-1 ou ml.min-1 pour sa valeur absolue. Cependant, pour comparer des sujets de corpulence différente, l’expression relative à la masse corporelle a très longtemps été utilisée. Il s’agissait alors de diviser le VO2 absolu par la masse corporelle du sujet. On obtenait ainsi une valeur en ml.kg-1.min-1. Les interprétations des épreuves VO2max avaient lieu sur la base de cette valeur relative et il était considéré que le sujet qui avait un VO2max de 60 ml.kg-1.min-1 disposait d’une puissance aérobie supérieure à celle d’un autre athlète n’ayant que 55 ml.kg-1.min-1 de VO2max.

Des études relativement récentes sont toutefois venues remettre en question l’utilisation de l’expression classique du VO2 relatif. En effet, il a été montré que le VO2max n’est pas proportionnel à la masse corporelle (Bergh et al., 1991). Le relativiser par rapport à celle-ci favorise les sujets légers et défavorise les lourds. Un autre mode d’expression serait donc préférable, reposant sur le principe de l’« allometric scaling », prenant en compte certaines caractéristiques du corps humain : des longueurs (L), des surfaces (L2) et des volumes (L3).

Ainsi, il a été montré que la section transversale de l’aorte qui conditionne le débit cardiaque est proportionnelle au carré de la taille du sujet (L2) alors que la masse corporelle dépend d’un volume (L3). Par conséquent, le VO2max – principalement limité par le débit cardiaque – devrait être proportionnel à la masse corporelle élevée à la puissance 2/3 ou 0,67 (pour tenir compte du passage d’unité exprimée non plus au cube (L3) mais au carré (L2). Cette approche d’équations dimensionnelles a été appuyée par Bergh et al. (1991) qui ont montré que le VO2max relativisé par rapport à la masse corporelle élevée à la puissance 0,75 était indicatif des performances de courses d’endurance.

CONSÉQUENCES PRATIQUES ET QUESTION

Selon les valeurs de VO2 exprimées de manière classique (ml.kg-1.min-1), il a longtemps été considéré que les joueurs de football jeunes avaient le même VO2max que les adultes, mais une moins bonne économie de course. Cependant, parce que les jeunes joueurs sont généralement plus légers que les joueurs seniors, il apparaît justifié de vérifier si l’interprétation des valeurs de VO2 selon l’« allometric scaling » aurait changé les conclusions mentionnées ci-dessus.

Étude?Pour ce faire, 24 joueurs seniors (24 ± 2 ans ; 75,7 ± 7,2 kg) et 21 joueurs cadets U 15 (14 ± 0,4 ans ; 60,2 ± 7,3 kg) ont réalisé une épreuve VO2max de laboratoire sur tapis roulant (3° de pente, 7 km.h-1 pendant 4 minutes, ensuite incrémentations de 1 km.h-1.min-1 jusqu’à épuisement). Les critères d’atteinte du VO2max ont été vérifiés pour tous les joueurs et l’économie de course a été évaluée par le VO2 à la fin des 4 minutes d’échauffement (7km.h-1).
Les résultats ont été ensuite exprimés selon les deux modes, l’un selon les unités classiques de la littérature, l’autre en prenant en compte les unités calculées selon le principe de l’« allometric scaling » (ml.kg-0,75.min-1).
Remarque : bien que théoriquement la masse corporelle doive être élevée à la puissance 0,67, la plupart des études expérimentales sur les joueurs de football ont utilisé l’expression relative de VO2max en ml.kg-0,75.min-1. L’« allometric scaling » devrait idéalement être basé sur les masses maigres étant donné que le tissu adipeux a une activité métabolique négligeable.

Les résultats de l’étude ont montré que le VO2max des joueurs cadets était similaire à celui des seniors quand il était exprimé proportionnellement à la masse corporelle, c’est-à-dire en ml.lbm-1.min-1, (où lbm est « lean body mass » ou masse maigre en kg) mais 5 % moins élevé (p<0,05) quand il était exprimé selon le concept de l’« allometric scaling » (voir tableau 1). D’autre part, les joueurs cadets avaient un coût énergétique plus élevé (13 %, p<0001) par rapport aux seniors, c’est-à-dire une économie de course moins bonne quand l’expression classique était utilisée alors que cette variable était comparable avec l’expression allométrique.

À titre d’exemple, le tableau 2 montre comment l’expression relative classique du VO2 (ml.kg-1.min-1) peut mener à des conclusions erronées sur les valeurs maximales et sous-maximales de joueurs différant au niveau de la masse corporelle.

CONCLUSION

Pour interpréter correctement les résultats d’une épreuve VO2max, il est très fortement souhaitable d’utiliser les équations allométriques. En effet, celles-ci permettent de ne pas faire d’erreurs de surestimation du VO2max des sujets légers (ou de sous-estimation de celui des lourds). Étant donné que cette étude montre que les jeunes joueurs de football ont un VO2max inférieur à celui des adultes, il faut veiller à ce que les entraînements développent cette variable qui est importante en football.
 

Source primaire Chamari K, Moussa-Chamari I, Boussaïdi L, Hachana Y, Kaouech F, Wisløff U. Appropriate interpretation of aerobic capacity: allometric scaling in adult and young soccer players. British Journal of Sports Medicine 2005 feb;39:97-101.

 

Rédacteur Karim Chamari Docteur en physiologie de l’effort, Unité de recherche « Évaluation, Sport, Santé », Centre national de la médecine et des sciences du sport, Tunis, Tunisie karimchamari@gmx***

 

Éditeur Chantalle Mathieu Doctorat es sciences (mention neurophysiologie), chef du département des sciences du sport, INSEP

 

Mots clés Test de Laboratoire, VO2max, allometric scaling ou équations allométriques, aptitude, aérobie, puissance aérobie, préparation de la performance

 

Sports ciblés Tous les sports, football

 

Lectures suggérées Bergh U, Sjødin B, Forsberg A et al. The relationship between body mass and oxygen uptake during running in humans. Med Sci Sports Exerc 1991;23:205-11. Wisløff U, Helgerud J, Hoff J. Strength and endurance of elite soccer players. Med Sci Sports Exerc 1998; 30:462-7. Chamari K, Hachana Y, Kaouech F et al. Field and Laboratory testing in young elite soccer players. Br J Sports Med 2004;38:191-196.

[Rémy LORIOT]

Très intéressant.

Merci.