Michel CREPEL Posté le 15 avril 2015 Share Posté le 15 avril 2015 Le jour où Raymond Poulidor devient « Poupou » : Tour 1962. L'éclosion de Raymond Poulidor, en ce printemps 1961, est tout excepté une mauvaise chose pour le cyclisme Français. Abondance de biens ne nuit nullement au bien être d'un sport avare en phénomènes rares. Hors, la France vient de se doter, outre le tout récent lauréat de la "Primavera", d'un fringuant Champion du Monde amateur de 19 ans, Jean Jourden et du retour étourdissant de l'"Aristocrate Normand" lors de la kermesse de juillet. "Maître Jacques" n'a certainement pas usurpé ce sobriquet pompeux. En effet, à l'instar d'Ottavio Bottecchia et de Romain Maes avant-guerre, le protégé du "Grand Fusil" a atomisé l'adversité en se délectant, chaque jour, du port de la tunique jaune. En l'absence de l'"Empereur d'Herentals", de l'"Aigle de Tolède" ou du "Lion de Mugello", Jacques Anquetil, pourvu d'une formation tricolore dont la maîtrise tactique n'avait d'égale que la classe de leur leader, s'est permis de cadenasser la course à la manière d'un despote régnant d'une monarchie absolue d'antan. Les «Nains jaunes" (dixit Goddet) ont œuvré, alors, en victimes serviles, habitées d'une obséquiosité affligeante car désarmante. Quatre ans après sa première banderille, le natif de Mont Saint Aignan venait d'injecter, avec fracas et sans une once de complaisance, le "curare" qui allait transformer les jours et les nuits de tous ses adversaires, rebelles ou non, en véritables délires cauchemardesques.L'antagonisme entre le Normand et le Limougeaud n'en était encore qu'à l'état embryonnaire lorsque le 1er avril de l'an 62, à l'occasion du Tour du Var, les évènements allaient prendre une tournure empreint de sentiments belliqueux de la part d'un des deux protagonistes et accélérer, ainsi, un processus dont les foules et les inconditionnels se gargariseront durant des lustres. Tout commence par le sympathique retour en grâce du Gone Jean Forestier dont les déboires caustiques à répétition de ces dernières saisons avaient occulté, un peu rapidement, le fait qu'il fut, il n'y a pas si longtemps, un flahute de haut rang en s'adjugeant l'"Enfer 55" et le "Ronde 56", par exemple. Le Lyonnais, du VC 12ème Leroux Gitane, remporte, comme à ses plus beaux jours, la première étape en solitaire. Cette phase de course pourrait paraître anecdotique si elle n'avait pas rejeté les autres favoris à des années lumières du vainqueur du Super Prestige Pernod 58. Si "Poupou", membre hyperactif du groupe des poursuivants, franchit la ligne trois minutes après le lauréat du jour, le peloton, quant à lui, où "séjourne" un certain Jacques Anquetil, passe la banderole d'arrivée nanti d'un débours avoisinant la vingtaine de minutes. Plus que l'écart rédhibitoire, c'est la manière dont il fut acquis qui n'a pas plu, mais alors pas plu du tout, au Normand. Anquetil, dans un accès de fureur, "avoine" adversaires, partenaires et ... les Mercier, coupable, selon lui, d'avoir délibérément obstrué la course. Un Jacques Anquetil prônant l'"immaculée conception", c'est assez cocasse, vous en conviendrez. Bref, notre Rouennais a la rancune tenace et il va le démontrer, à sa manière, les jours suivant. Le lendemain de cette déconvenue et malgré la présence de deux Mercier, Privat et Le Dissez, collés à ses basques, le Normand attaque, cravache à bloc et mène l'échappée à son terme. Le jour de l'arrivée, il récidive et remporte, tel un mort de faim, le sprint devant Jean Forrestier. Aux yeux des suiveurs, cette passe d'armes autant surprenante que vaine, dénonce un certain agacement du Normand à la montée en régime d'un certain Raymond Poulidor. Il est vrai qu'une telle débauche d'énergie lors d'une épreuve secondaire avalise grandement cet état de fait. Il ne fait aucun doute, néanmoins, qu'à l'aube de ce mois d'avril 1962, nous venions d'assister aux premiers soubresauts telluriques d'un séisme à venir, agrémenté d'éruptions explosives et récurrentes, qui va perdurer cinq longues mais passionnantes années.Le résidant de Saint Léonard de Noblat, loin de tout ce galimatias volcanique, va s'attacher à réaliser une Grande Boucle digne de sa notoriété grandissante. Cette année-là, Jacques Goddet, après avoir mûrement réfléchi, décide de faire la part belle aux équipes de marques et délaisse donc, pour un temps, les formations Nationales qui, selon le directeur du Tour lui-même, favorisaient par trop l'hégémonie et la boulimique de succès de "Maître Jacques" et de ses sbires.Effectivement, cette redistribution des cartes laisse augurer une bagarre acharnée et indécise de tous les instants tant et si bien que la mainmise du Normand sur le Tour, un an plus tôt, apparaît, à ce moment-là, des plus improbables. Anquetil, chez St Raphaël, dispose, toutefois, d'un groupe solide où figure, entres autres, le "Colosse de Mannheim" et "Stab", capitaine de route au longs cours. Poulidor immuable Mercier, néophyte et enthousiaste compte sur les baroudeurs Robert Cazala, le fidèle, accompagné du Belge Victor Van Schil afin d'engranger de l'expérience indispensable à défaut d'espérer remporter l'épreuve. La présence des Rik Van Looy, Vottorio Adorni, Henry Anglade, Joseph et Georges Groussard, André Darrigade, Frédérico Bahamontès, Ercole Baldini et Gastone Nencini ou Charly Gaul, têtes de liste des autres formations, préfigurera, c'est du moins le leitmotiv et le consensus collégial, une course ouverte et synonyme de dynamisme et d'envolées de hautes factures, tout ce qui avait nuit à la dernière édition. La préparation à la Grande Boucle emprunte le même cheminement que de nos jours et le Critérium du Dauphiné Libéré en est la pierre angulaire. L'épreuve, chère à Thierry Cazeneuve, placée un peu plus tôt dans la saison puisqu'il se déroule de fin mai à début juin, abouti, cette année-là, sur le triomphe de l'équipier émérite du "Basque Bondissant", Raymond Mastrotto. Si le Limougeaud a joué le jeu, lors de l'épreuve Alpine, terminant à un peu plus d'une minute trente de l'Auscitain, le Normand, lui, s'est contenté d'accumuler les bornes et se retrouve, par conséquent à près de vingt minutes du Gascon. Le dilettantisme dont fit preuve Anquetil, tout au long de la course, ulcéra, pourtant, un Raphaël Geminiani vert de rage, à tel point que le Rouennais intima, un moment, l'ordre de remplacer le "Grand Fusil" par Mickey Wiegant, boss chez Helyett. Après un simulacre de réunion, Place de la Bourse, une huitaine avant le départ de la Grande Boucle, Geminiani était conforté dans ses fonctions par un vote, pour le moins controversé. Potin et Augier, patron des Saint Raphaël, placèrent alors le Normand devant un dilemme. En effet, ce dernier disposait d'une semaine, et pas un jour de plus, pour faire la preuve de sa capacité à endosser la panoplie de leader de sa formation. Tout allait pour le mieux, et ce, dans le meilleur des mondes, donc, à la veille du "dépucelage" de l'enfant de Masharaud Mérignat. Tout allait pour le mieux, effectivement, car les algarades chroniques entre le "Grand Fusil" et "Maître Jacques" étaient monnaies courantes et vivifiantes pour les deux protagonistes. Elles ont émaillé chaque instant de leur collaboration frisant, parfois, le burlesque. Un grand respect mêlé à un caractère entier alimentait ces poussées de fièvre.Du côté du Limousin, une rumeur enfle concernant une chute accidentelle survenue, quatre jours avant l'échéance et qui impliquerait directement "Poupou". En vérité, après examens, le docteur Dumas décèle chez le patient une fracture de l'auriculaire de la main gauche. Première tuile, et non des moindres, pour notre Limougeaud. C'est donc, harnaché d'un plâtre, ceint d'un bandage, que notre imperturbable novice s'élancera de Lorraine. Tous ces ingrédients de circonstance ont le don d'irriguer, chez certains coursiers, un sentiment de jouissance à peine retenue. Rik Van Looy, le premier, suggère un dynamitage en règle dès l'entame de l'épreuve, en outre, un contre la montre par équipe inaugure le retour aux "Marques" dès la deuxième étape ce qui, évidemment, tend à servir les desseins belliqueux de la "Garde Rouge" et de son chef de file. En cela il est suivi par Rudy Altig, entres autres, pourtant membre de la formation du Normand. Les organisateurs, dans la confidence, qui se refusaient obstinément de revivre la procession lymphatique de la dernière édition, sont aux anges. On le serait à moins. Le décor est planté place aux actes !Dès les premières étapes, l'"Empereur d'Herentals", comme annoncé, met le feu ce qui a pour conséquence de rejeter un Poulidor, passablement emprunter de sa main gauche, à neuf minutes des favoris, dès l'étape initiale. Malgré un harcèlement de tous les instants le natif de Grobbendonk, ceint de la tunique irisé, ne parvient pas, néanmoins, à décrocher Jacques Anquetil. Filou, le Normand montait en puissance malgré l'acharnement d'un Van Looy attaché à sa perte. Mieux, sa formation reprenait, incontestablement, espoir en son leader et le "Grand Fusil", malicieux et roublard, s'attacha alors à mettre son coureur emblématique dans des conditions optimales à son bien-être. Les coups de boutoir assénés par la "Garde Rouge" avaient généré un grand nombre d'abandons et certains leaders charismatiques, eux même, se retrouvaient reléguer à la portion congrue. Parmi eux, Raymond Poulidor souffrant le martyre à chaque accélération d'un peloton décimé. Bien qu’il présenta des circonstances atténuantes, qui auraient poussé bon nombre de ses congénères à l'abandon, le Limougeaud conservait, lui, une sérénité et une philosophie de bon aloi. La conjoncture n'apparaissait pourtant pas des plus favorables à notre champion en herbe. Le passage des Pyrénées fut fatal à notre trublion Belge. En effet, Rik Van Looy, victime d'un motard par trop entreprenant qui l'expédia à terre pour le compte, se vit contraint et forcé, de renoncer à son projet téméraire voir insensé de victoire finale à Paris. Transporté par hélicoptère, le Champion du Monde quittait la scène, qu'il avait monopolisée de sa classe jusque-là, bien malgré lui. Après des changements de leader parcimonieux depuis le départ de Nancy, l'aîné de la dynastie des Planckaert, Jozef, parvint à se hisser en jaune au sortir des Pyrénées. Les favoris patentés sont, néanmoins à ce moment de la course, en embuscade mais prématurément éreintés par une première semaine aliénantes. Pendant ce temps, Poulidor, niché dans le confort douillet d'un peloton bougrement restreint, se refait une santé bien à l'abri des supputations en tout genre émanant du désuet clan des pseudos favoris restant encore compétitifs. Les rescapés inaugurent les Alpes en empruntant les cols de Restefond, Vars et l'Izoard. Belle étape, au demeurant, excepté que l'ancien fraisieriste de Quincampoix se montre d'une intransigeance implacable. Il condamne, comme il l'avait entrepris avec succès douze mois plus tôt, toutes sorties intempestives pouvant nuire à ses ambitions. Sa volonté exacerbée et sa pugnacité à contrarier les velléités offensives de ses adversaires ont bientôt raison de la volonté du peloton à contrarier le "Maître". Cette démarche hétéroclite fonctionne à merveille à tel point que cette étape Antibes - Briançon accouche d'un vainqueur surprise en la personne du routier sprinter Belge de chez Philco, Emile Daems. Pendant ce temps, Poulidor apparaît de plus en plus en tête de la course et s'attire, sans le vouloir vraiment, la sympathie d'un public touché et ému des efforts surhumains consentis par ce jeune bougre meurtri au plus profond de sa chair. Dans son coin, "Tonin" se désespérait de voir, un jour, son coureur attaquer. Antonin Magne, vêtu de son éternel blouse blanche immaculée et dont le port du béret vissé sur le crâne nous renvoyait à l'époque noire et glauque de l'occupation, ne mâchait jamais ses "bons" mots qu'il comptabilisait puis diligentait au compte-goutte. Déjà un soupçon de "paranoïa" s'immisce dans le subconscient du jeune Limougeaud. Ce dernier se sent épié par ses adversaires ce qui l'amène, déclare-t-il, a refreiner son ardeur offensive. Pourtant il n'est plus temps de tergiverser, nous sommes à la veille de l'ultime étape de montagne et Poulidor est englué à la neuvième place du général à près de dix minutes de Planckaert. Jacques Anquetil, quant à lui, béat, navigue à vue à une minute du Belge et savoure déjà un succès final qu'il estime asseoir définitivement lors du dernier chrono, le lendemain, entre Bourgoin et Lyon. Les ascensions successives du Lautaret, du Luitel puis des cols de Porte, du Cucheron et du Granier devrait permettre, selon "Tonin", au Limougeaud de titiller le diable en tentant un baroud d'honneur du plus bel effet. C'est dans le col de Porte que Raymond Poulidor, délesté de son plâtre encombrant depuis la veille au soir, place une première mine ravageuse, au pied de celui-ci, plus précisément. Il y a tout dans cette attaque, la rage de vaincre, le culot de la jeunesse et l'appréhension de s'être fourvoyé dans une mission suicidaire. Pourtant, il y a mis tout son cœur, le Limougeaud, et tellement de hargne aussi que derrière c'est l'hallali pour l'"Aigle de Tolède" et "Maître Jacques" scotchés sur la pente, comme de vulgaires randonneurs, incapables de changer de rythme. Devant, trois hommes avaient faussé compagnie au peloton depuis un bon moment déjà. Les Français Anglade et Beuffeuil accompagnés de l'Ibère Campillo ouvraient la route, nantis d'un certain panache. A l'aube de la trentaine, le coureur de Thionville, Henry Anglade tenait une forme éblouissante sur ce Tour et projetait d'offrir, gracieusement, à son sponsor issu de la région, la victoire d'étape. Ses louables intentions s'évanouir soudain lorsque une casaque "Violine" le happa ainsi que ses deux compagnons d'infortunes. Au sommet du Cucheron, Poulidor déchaîné précédait le maillot jaune Jozef Planckaert, flanqué d'un Jacques Anquetil attentiste, de trois minutes. Ces deux-là, jouaient la gagne et la tension était palpable. Le Belge tenta à maintes reprises l'intox en incitant le Normand à emmener le duo. Son but était d'émousser le Français à la veille de l'épreuve de vérité où il se savait en grand danger. Toutefois, on n’apprend pas à un singe à faire la grimace et le Rouennais passé maître dans l'art de la mystification régula son rythme à sa mesure sans se soucier le moins du monde de son encombrant compagnon. Pas de relâchement laissant croire, au convive indésirable, à un certain désintérêt, certes, mais pas d'acharnement dans la poursuite, non plus. Inséparables les deux hommes cohabitaient tant bien que mal et le Belge subodorait à juste titre que, finalement, jamais il ne réussirait à décrocher le Français si proche d'une troisième levée. A l'avant, bien loin de tout ce brouhaha technico-tactique, Raymond Poulidor, acclamé comme jamais auparavant, s'échinait à creuser des écarts conséquents afin de grignoter quelques places au général. A Aix les Bains, Raymond Poulidor, devenu ce jour-là et pour l'éternité "Poupou", franchira la ligne en héros trois minutes devant Henry Anglade et Federico Bahamontès, roue dans roue, et trois minutes et quarante-cinq secondes devant Jacques Anquetil, Jozef Planckaert et Robert Cazala. "Poupou" se hissera sur la troisième marche du podium à Paris, deux jours plus tard. Des podiums, il en gravira un grand nombre, sans jamais, pourtant, atteindre le sommet de ceux-ci ! Raymond Poulidor, « Poupou », le Limougeaud entrait de plain-pied dans la légende du Tour de France. Michel Crepel Joyeux anniversaire "mon Poupou" !!! Le coureur adulé de notre ami et ancien forumeur de "101" Sergio "Ma Poule" Delesalle, le "Titi de Paname" ! 😉 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Serge MASSELOT Posté le 15 avril 2015 Share Posté le 15 avril 2015 bonjour,le chouchou de ma pauvre maman !!!! on lui avait offert pour ses 80 ans un authentiques othographe de Raymond !!! Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
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