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La Der


Christophe MASSIE

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Salut à tous,


Oui, hier, c'était ma dernière grosse sortie. De l'année, certainement, et sans doute la der tout court. Un changement de parcours professionnel important va me supprimer toute possibilité de sortie en semaine dès le mois prochain. Il me restera les we, de quoi me transformer en bon cycliste du dimanche, peut-être un peu plus si j'arrive à caser un peu de HT en semaine ...


En attendant, je me suis décidé à faire un dernier grand tour, une boucle jusqu'à la côte Picarde à travers le Pas de Calais (destination Fort Mahon), puis retour par la vallée de la Somme rive gauche en passant par St Valery, Abbeville et Amiens, la D3 pour ceux qui connaissent. Au programme, un peu moins de 230kms et accessoirement, 1350m de d+.


Le départ s'est fait sous un ciel mitigé mais tendance beau temps, après une averse au petit matin, qui m'a demandé de patienter avant de monter en selle. La 1ère chose que j'ai en tête lorsque je pars pour des parcours inhabituels, c'est d'évaluer mon potentiel du jour. En fait, c'est assez simple, je prends la première petite côte du village en danseuse, et en général, je perçois tout de suite aux sensations si j'ai la patate ou pas. Chose faite et le verdict est bon : j'ai de super jambes aujourd'hui, je vais pouvoir me faire plaisir pour clôturer ma vie de cycliste intensif.


Pour autant, la prudence est de mise car 230kms, c'est long. Je mise sur un temps de 8h30. Ce n'est pas d'une grande ambition, mais pas question d'arriver cramé : je veux pouvoir profiter de mon we pour d'autres choses. Il faut dire aussi que je pars avec mon "mulet", un VTC cadre alu pneus tous chemins et cintre plat. 15kgs tout nu. Autant dire qu'avec les bidons, le matos, le sac à dos, j'ai du poids à emmener, et autant ce vélo est très confortable dans les portions roulantes et en position danseuse, autant, c'est un vrai tank à emmener dans les côtes. Et contre le vent aussi en raison de la position haute qu'il impose.


Côté météo, le temps devrait être assez beau, avec un petit vent OSO qui devrait me contrarier un peu à l'aller et me pousser au retour.


Sorti de mon village, je me mets sur un train raisonnable de 28/30, position couchée avec les avant-bras sur le cintre. C'est confortable, mais ça sollicite les jambes un peu plus qu'en position normale car je n'ai pas de point d'accroche sur le cintre. Les 50 1ers kilomètres sont sous le vent et l'allure est encourageante. Cependant, je remarque que ce parcours est une tôle ondulée : peu de dénivelé, mais jamais plat, soit ça monte, soit ça descend ! Je savoure néanmoins d'être en pleine nature avec du soleil et de pouvoir profiter des paysages qui m'entourent : simples vallons boisés, quelques villages coquets, et parfois, je passe devant de très beaux jardins. J'aime bien me laisser surprendre par des architectures rurales un peu différentes de celles de l'Amiénois : proportions, matériaux, couleurs sont un peu différents dans le Pas de Calais et amènent une petite sensation de dépaysement.


Tout cela est une autre manière de faire du vélo, qui procure un plaisir plus confortable que celui d'être en permanence le nez dans le guidon et le couteau entre les dents pour faire des temps à droite et à gauche ... ou faire une séance au seuil ... ou PMA ... ou en force ... bref, toutes les joies de la période d'entrainement hiver/printemps.


Passé Doullens, le vent se fait plus présent, je l'ai de biais et il s'oppose à ma progression.  C'est en suivant la vallée de l'Authie que je découvre la ruralité du Pas de Calais. C'est bien, mais c'est un peu long et monotone, et surtout, jamais de portions plates. Je suis un peu déçu par le fait que l'on ne voit quasiment jamais la rivière. J'aurais préféré être plus proche du cours d'eau et de fait, moins à découvert et moins exposé au vent. Je progresse donc en patience car entre Doullens et la côte, il y a environ 70kms. Au fil des kilomètres, je commence à sentir un petit tiraillement derrière les cuisses, principalement jambe droite. Petite douleur familière de la fatigue musculaire, pas encore gênante mais qui débarque bien tôt je trouve. Mais ce qui m'ennuie le plus, c'est ce vent qui prend de l'importance et il me vient à l'esprit que je n'ai pas du tout regardé les prévisions de vent sur la côte. Une mauvaise surprise en perspective ?


En réalité, oui, une très mauvaise surprise. Comme souvent à l'approche des côtes picardes, le paysage se débarrasse de tout obstacle vertical et le parcours du jour n'y fait pas exception. ll suit même cette règle avec zèle car à 20kms du front de mer, je suis déjà sur un plateau entièrement dégagé et rien n'arrête la vue devant moi, bien que je sois encore loin de la mer. Le vent est assez violent, entre 30 et 50 km/h selon les moments. Et je l'ai en plein dans le nez. Chaque montée devient extrêmement pénible, la moindre rampe se fait à 14km/h et les descentes à 23km/h ... à la condition de bien maintenir l'effort à la pédale. Celui-ci devient permanent et s'apparente finalement à celui d'une ascension à ceci près que le plaisir de pédaler est totalement absent, notamment en raison du bruit assourdissant et horripilant de ce vent.


Je n'ai jamais supporté le vent en vélo. Certains s'en accommodent très bien, mais pour ma part, je le trouve insupportable. Le relief est une chose. Il a une place invariable, on vient s'y frotter si on en a envie. Il incite à l'effort, à l'exploit et offre au cycliste des moments inoubliables, permettant dans les régions de montagne d'atteindre des endroits reculés, parfois difficilement accessibles dans des paysages toujours grandioses. Le vent c'est autre chose. Il a vraiment l'apparence d'un élément qui vient contrarier le cycliste dans son quotidien le plus banal, s'opposer à sa progression dans un souffle puissant et bruyant, s'invitant sans qu'on lui demande rien et imposant un effort imprévu... Il n'offre rien en retour. C'est cette sensation de contrariété gratuite qui m'horripile.


Me voilà donc parti pour 20kms de galère, couché sur mon vélo pour diminuer ma surface frontale, à pousser et tirer de mes 2 jambes. Le tout pour sortir une moyenne désastreuse de 21km/h dans les 25 derniers kilomètres me séparant de la mer ! C'est le genre d'effort dont on se passerait bien après 100kms et qui laissera sûrement des séquelles. Mais tout ceci n'est pas vain. J'arrive sous un soleil à peine voilé à Fort-Mahon Plage. La marée est haute, la mer écumeuse, fortement chahutée par ce courant d'air qui vient du large. Ici, le vent devient la clé de voute de l'ambiance de bord de mer, au milieu du piaillement des mouettes, un tout autre visage. J'en profite pour faire ma pause ravitaillement, avec une petite collation pour refaire le plein d'énergie, bien que je me sois correctement alimenté durant tout le trajet. J'ai 120kms au compteur, et je suis dans un état de fraîcheur assez moyen. Après avoir mangé et quelques étirements, j'achète 2l d'eau minérale pour remplir mes 3 bidons, je regarnis mes poches de munitions sucrées et je repars avec la satisfaction d'avoir fait le plus dur. Ma moyenne au compteur est de 25.9km/h depuis le début. Et normalement, le vent aidant cette fois-ci, je devrais largement améliorer ce chiffre au retour. La suite de mon parcours, c'est dans un premier temps 30kms plein sud en longeant la côte entre Fort-Mahon et St-Valery, entre la baie de l'Authie et la baie de la Somme, et puis le reste direction ESE le long de la vallée de la Somme pour rejoindre Amiens. Je n'ai pas remarqué que sur la côte, le vent s'est mis SO ...


La sortie de Fort-Mahon dos à la mer se fait comme sur un nuage, c'est à peine si j'ai à pédaler. J'ai bien l'intention de reprendre au vent ce qu'il m'a pris à l'aller. Mais le 1er virage à droite pour partir en direction de la Baie de Somme me ramène à la réalité. De nombreuses portions sont encore face au vent et rendent ma progression tout aussi difficile que les derniers kilomètres avant la mer. Cela me demande de nouveau des efforts pénibles et saccadés, et le moral en prend un coup. La route paraît interminable jusqu'à Saint-Valery, et d'autant plus que j'emprunte des départementales assez larges, monotones et qui ne proposent rien pour distraire le regard. Cette partie de mon circuit serait à revoir complètement si je devais y retourner. A Saint-Valery, je retrouve enfin la D3. Une inscription qui fait du bien car elle est synonyme de retour au bercail, sous le vent et en suivant une vallée que je connais bien pour l'avoir parcourue plusieurs fois dans tous les sens.


Malheureusement, avec 150kms dans les jambes  et ces avancées si difficiles contre le vent, je suis un peu cuit. Le moral passe même à la trappe lorsque je m'aperçois que le vent ne porte pas sa générosité bien loin dans les terres : au bout de 15kms, arrivé à Abbeville, ce n'est plus qu'une petite brise qui me souffle dans le dos. L'effet n'est évidemment pas le même et je commence à ramer sérieusement. Un petit arrêt me permet de constater que ma glycémie n'est pas bien haute. Je prend une nouvelle collation et laisse passer ce coup de mou en me calant sur un rythme pas rapide mais qui épargne mes jambes fatiguées. Après plus de 6h d'effort, mes réserves de glycogène ne doivent plus être très importantes, et je décide de doubler les rations d'apports de glucides. Tout cela porte ses fruits et arrivé à Longpré, après 185kms, je retrouve de nouveau qqs sensations et je peux reprendre un rythme normal. Je traverse tous ces villages de fond de vallée que je connais par cœur les uns après les autres : Condé-Folie, Hangest, Crouy, St-Pierre. Chaque étape me rapproche du logis. La faim commence à me tenailler ...


Arrivé à Picquigny, il me reste environ 30kms, et on est déjà dans le tissu péri-urbain de la capitale. J'ai l'impression de reprendre contact avec la civilisation : les voitures, les feux, les commerces, les voies de circulation avec des enrobés bien lisses. La traversée d'Amiens me fait du bien après les heures solitaires en campagne sur des routes peu fréquentées. A partir de maintenant, je connais le moindre cms de dénivelé me séparant de chez moi, et je peux les ranger dans mon esprit en les barrant au fur et à mesure que j'avance. Ce mode "compte à rebours" est typique de mes longues chevauchées et me projette déjà dans l'après : collation, douche, étirements et surtout le dîner ... que du réconfort.


En dépit de ce vent si tenace (au final, environ 50kms de combat tout de même) ce fût une bonne manière de terminer ma saison : en une seule sortie, en dehors des sensations de montagne, j'ai touché du doigt tout ce que le vélo m'a offert de sensations depuis 3 ans. Arrivé chez moi, je pose mon vélo comme si j'allais remonter dessus la semaine prochaine, un peu une façon d'écarter tout sentiment de nostalgie d'une page qui se tourne ...


Au final, 226kms, 1324m de d+, 8h40 de selle et une dépense calorique de 5516Kcal.


 


 

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Bienvenue au club des maudisseurs de vent, j'en suis aussi un membre zélé.

226 km en 8h40, pour moi c'est une performance inaccessible. Et en plus en VTC, chapeau!

Si tu crains de ne pouvoir faire de sortie dans la semaine le jour, une option possible est de sortir le soir. La contrainte sera de disposer d'un éclairage vraiment efficace (qui permet non seulement d'être bien vu mais de vraiment voir la route devant soi).

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