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Le « Blaireau » et la « Doyenne 80 »


Michel CREPEL

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Des conditions hivernales avec neige et basse température n'étaient pas une première. Les éditions de 1919 et 1957 avaient connues de telles conditions. Pour l’anecdote, en 1957, plusieurs coureurs abandonnaient dans les fermes de la côte de Wanne pour se réchauffer.

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C'est vrai mais pas uniquement en Belgique en général et lors de la "Doyenne" en particulier. En Italie, lors de la "Primavera", les conditions ont parfois été abominables comme je le laisse entendre au début du récit en citant Eugène Christophe .......

 

La légende du « Vieux Gaulois » : « Primavera » 1910.

Eugène Christophe ne possède pas, loin s'en faut, le palmarès le plus représentatif ni le plus boulimique du cyclisme Français et encore moins du peloton international, en revanche, les épreuves qu'il s'ingénia à dompter le furent d'une manière tout à fait extraordinaire.
Bien avant l'icône le représentant re-brasant sa fourche brisée, sous l'oeil "insalubre" d'un commissaire récalcitrant, du côté de Sainte Marie de Campan, au pieds des cimes Pyrénéennes lors de la Grande Boucle de 1913, le gamin de Malakoff s'était déjà distingué, de l'autre côté des Alpes, à l'occasion d'un Milan San Remo 1910 apocalyptique.
Nous sommes le dimanche 3 avril 1910 et les soixante et onze courageux qui s'agglutinent, alors, sur la ligne de départ, ressentent, déjà et inexorablement, les prémices insidieuses du cauchemar qui les accompagnera toute la "sainte" journée. Les 290 bornes de l'épreuve s'annoncent, en effet, des plus dantesques. Le ciel bas, le froid glacial et la tempête de neige qui sévit lors de cette quatrième édition embrument les faciès congestionnés et éberlués des suiveurs, pourtant rares à cette époque, et des organisateurs locaux. Le train de sénateurs emprunté, pour la circonstance, par le serpentin humain, n'en est que plus irrationnel. Ainsi, se faufile t'il cahin caha, en ordre presque martial jusq'aux contreforts machiavéliques du Turchino. A l'approche de celui-ci, dans ce paysage d'une austérité alarmante et d'une désolation sans nom, le blizzard a redoublé d'"effroi" et la température avoisine l'insupportable. Le mercure enregistre, alors, une descente vertigineuse vers le néant, ce même néant qui transpire dans le subconscient, fragilisé à l'extrême, de ces "Gladiateurs de l'apocalypse". L'ascension du col, ultime rempart avant de fondre et de rejoindre le bord de mer, est toujours envoûté par les frimas et appréhendé, par un peloton transi, de façon collégiale. Les coursiers qui composent ce "macabre" enchevêtrement de corps désarticulés sont frigorifiés, les pieds deviennent insensibles, les jambes sont raidies et durcies par tant d'agonie et les mains sont crispées et épousent les cocottes de freins comme jamais auparavant. Eugène Christophe, quant à lui, ne fait pas exception à la règle et à l'instar de ses compagnons de galère, le "Vieux Gaulois", arc bouté, sur sa monture, se bat tel un démon, contre les éléments contraires. Au détour d'un lacet, le "Titi Parisien" saute de sa machine prestement, malgré l'engourdissement, et commence un étirement en règle. Le peloton a, depuis longtemps, volé en éclats et les rares coureurs qui n'ont pas encore bâchés sont, désormais, éparpillés au sein de ce "no man land" lunaire.
Lorsque le Français franchi, enfin, le tunnel qui délimite le sommet du Turchino, la chaussée est absente car abondamment enneigée. Par endroit, des couches de poudre blanche de vingt centimètres rend caduque tout acheminement raisonnable. Il devient irréel de progresser à bicyclette. Christophe souffre le martyr, le froid le tenaille et les crampes commencent à diligenter leurs "poisons" dans son organisme passablement entamé et soumis à rude épreuve. Son estomac est victime de maux terribles et cruels dus à la malnutrition. La plupart du temps, à pied, il converge, aveugle, vers une destiné incertaine. Las, adossé à un rocher salvateur, le "Vieux Gaulois" attend. Quoi ? il n'en sait fichtrement rien ! Toujours est il qu'à un moment donné, il subodore plus qu'il n'aperçoit une ombre dans cette Sibérie Alpine. Cette ombre se libère, imperceptiblement, de sa chape opaque et ses contours apparaissent, enfin, rassurantes. "Gégène" hèle, alors, à pleins poumons ce sauveur venu du "diable vauvert". L'inconnu, paysan hirsute, conduit l'infortuné coursier jusqu'à une auberge bienvenue où le tenancier du lieu le fera se dévêtir afin de sécher ses vêtements souillés et trempés. Enroulé dans une couverture de laine, généreusement offert par son hôte providentiel, le "Vieux Gaulois", de nouveau guilleret, ingurgite, englouti même, un grog bouillant. Rasséréné et gonflé à bloc, par cette obole, improbable quelque instant auparavant mais ignorant tout de la situation de la course, le Français, tel un grognard lors d'un remake de la "Campagne d'Italie", chevauche, pour la énième fois, sa monture, rejoint le bord de mer et file ardemment et vaillamment vers San Remo.
A 25 printemps, Eugène Christophe, remporte cette "Primavera' d'anthologie. Quatre rescapés, seulement, se présenteront sur la Via Roma, terme de cette course hallucinante.
Un mois de soins dans une clinique lui seront nécessaire pour recouvrer l'intégralité de ses membres endoloris et deux longues années pour retrouver la plénitude de son potentiel initial. Ces deux saisons blanches lui permettront de se reforger une condition telle, qu'à l'aube de l'année 1913, un forgeron pyrénéen qui tenait boutique au pied du Tourmalet, verra apparaître, un jour de juillet, un coursier pas comme les autres .....

Michel Crepel
 

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