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Patrick Plaine " roule toujours"


Eric HENNUY

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Patrick Plaine le randonneur des randonneurs est décédé l'année dernière accidentellement sur son vélo comme cela a déjà été dit sur ce site.

Il a consacré sa vie au vélo et aurait certainement dépassé les deux millions de km sans cet accident brutal.

Pour ceux que çà intéresse voici un lien d'un film réalisé sur lui par sa famille il y a 3 ans.

Un témoignage émouvant et plein d'humanité.Du Vélo.

http://www.dubfilms.fr/roule_toujours.html

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Mourir sur son vélo, on pouvait difficilement imaginer autre chose, mais pas comme çà.L'épisode où il écarte de la route un crapaud tué par une voiture pour qu'il ne soit pas aplati une deuxième fois est bouleversant de prophétie car c'est comme çà qu'il a fini.

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Patrick Plaine était mon ami et s’il était trop solitaire pour que nous ayons beaucoup roulé ensemble, nous étions du même club à la fin des années 60 (ASPTT Paris) et étions souvent en contact. Je suis heureux que l’on parle encore de l’extraordinaire randonneur qu’il a été. En sa mémoire voici un passage du Galibier, lors du Tour de France Randonneur 1970 (organisation permanente de l’US Métro), qui en dit long sur sa personnalité. Je vous laisse lire :

22 juin 1970 - 3ème Tour de France Randonneur (Tour de 4910 kilomètres, bouclé en 353 heures et 10 minutes). 9ième étape : Colmars-Aiguebelle

Parti dès l’aurore de Colmars (04), la journée s’annonce – belle et grandiose -. Au programme, tous les géants Alpins : Allos, mon préféré, (le col de la Bonette n’était pas encore au programme de l’organisation). On prenait la N202 jusqu’à Entrevaux, puis, Annot et le col de la Colle Saint-Michel.

Le Vars – sur son versant court et abrupt -, l’Izoard – le majestueux – Rien ne résiste à mes mollets ! C’est la grande forme ! Une région qui m’a toujours transcendé, le temps est ensoleillé et la circulation rare, le déferlement des vacanciers n’est pas encore là !…

A 14h10, je pointe mon carnet de route à Briançon, après une descente vertigineuse ! Au Lautaret, surprise, la route d’accès au Galibier est fermée, (non encore déneigée). La raison, l’hiver tardif, et comme la course du Dauphiné-Libéré, ne l’a pas inscrit à son programme, on traîne….

Mais, pour le 1er juillet – il sera ouvert – m’assure-t-on ! Bref, limité par le temps, il est hors de question d’attendre, ni même de faire le détour par Grenoble. Pas de panneau d’interdiction, donc, à moi l’Aventure !
J’arrive à tenir sur le vélo trois bons kilomètres, puis, je me heurte aux premières congères et définitivement au «cirque blanc ». Là commence – véritablement – mon chemin de Croix ! Vélo calé sur l’épaule, le souffle court, je progresse péniblement à travers les rafales de vent.

Tantôt enfoncé jusqu’aux genoux, tantôt en équilibre, côté ravin (suivant la nature de la neige). J’essaye de repérer les traces qu’ont laissées devant moi quelques randonneurs alpins. Dévissant parfois de plusieurs mètres.. Tirant, puis jetant ma monture, le calvaire se poursuit…

Là, dans un virage, j’aperçois le refuge – seul point de repère – L’épaule meurtrie, les pieds gelés, je grignote les derniers lacets. Une idée fixe – le sommet -

Le temps est maintenant brumeux et frisquet. Enfin ! voici le col. Mais, le passage du tunnel, (pour changer de vallée, en ce temps là, il n’y avait pas la route que l’on connaît aujourd’hui). Seul, le tunnel, froid et glacé, était de circonstance, il est condamné par une immense congère !

Rebrousser chemin ! Vous n’y pensez pas, après tant de labeur. Il ne reste qu’une solution, passer par-dessus ! ! ! Le vélo – à nouveau – fixé à l’épaule par une courroie, la pompe dans la main droite (me servant de piolet), j’entame «l’impossible exploit», – exploit – qui aurait pût ou dût, se terminer tragiquement, j’en suis – seulement – conscient aujourd’hui !

Procédant en zigzag, assurant chaque pied par des encoches faites, parfois, au couteau, la neige étant de plus en plus gelée. En équilibre permanent, la moindre glissade, et s’en est fini ! Le cœur battant la chamade, claquant des dents, je souffre en silence…

Puis la brume s’épaissit. Je n’y vois plus à un mètre – Je suis perdu – Planté comme un piquet, je prie de toute mon âme pour que les Dieux viennent à mon secours… c’est mon dernier salut ! Un quart d’heure, environ, s’écoule, où toutes les images du passé vous reviennent en mémoire. « Adieu ma mère ! Je t’aimais bien, tu sais ». Puis, soudain, c’est le miracle, le ciel se dégage, l’espoir renaît.

Je repars à l’assaut. La crête n’est plus qu’à cinquante mètres, c’est long cinquante mètres… A moitié paralysé par le vent glacial, les yeux remplis de larmes, je m’acharne sur la neige, comme une bête. Plus que cinq mètres, quatre, trois, deux, un. Je suis – enfin – sur la cime. Ainsi fus-je baptisé par mes pères : Le Cannibale des Cimes.

Le versant nord est lui, glacé. Seule solution, jeter mon vélo, et me laisser glisser sur le dos ! (heureusement qu’en bas, il y a un replat !). Allongé dans la neige, enlacé avec ma chère – moitié -, je hurle de joie. Plusieurs minutes se passent, où je savoure cet instant – d’immense – bonheur !

La victoire sur soi-même, contre les éléments, la peur, l’irréel. Mais le raid doit continuer, puisque le destin m’a épargné ! Une chance, ce versant est dégagé. C’est donc, dans d’assez bonnes conditions, que je plonge sur Valloire. (Briançon – Valloire distant de 58 kilomètres. Couvert en 5h10, environ plus de 3h30 pour parcourir les sept kilomètres sur la cime du Galibier. Ce qui démontre l’ampleur de la tâche !

Arrêt contrôle qui est le bienvenu. Réchauffer – un peu – mes membres endoloris, et reprendre quelques forces, car les hostilités continuent, eh oui ! Le Télégraphe où je rencontre la randonneuse Suzanne Motte (disparue tragiquement, quelques années plus tard). Elle vient de faire le tour, par Grenoble, en deux jours !
Dans la vallée de la Maurienne, où la nuit est déjà installée, c’est un véritable déluge qui m’accueille. La Nationale 6, démoniaque et dangereuse avec ces «TIR» venant d’Italie. Transis, je le suis (à cette époque là, j’étais – complètement – insouciant, je partais – souvent – avec la brosse à dents, sans gants, sans collant long, et encore moins de poncho…).

Reste à trouver un hôtel (Non encore converti à l’Autonomie Intégrale, il m’arrivait de temps en temps, de dormir dans un lit !). Mais, avec ma «bobine» noircie par la neige, mes vêtements en lambeaux, toutes les portes se ferment devant moi.

J’arrive ainsi à Aiguebelle où j’implore… le chef de gare, de me laisser rentrer dans la salle d’attente. «S.V.P. Monsieur, juste quelques heures, pour m’éviter une pleurésie». Ainsi s’achève cette – illustre – journée. 267 kilomètres qui resteront à Jamais gravés dans ma mémoire.

Patrick Plaine

 

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J'ai trouvé également cette vidéo assez touchante et du coup j'ai lu d'autres articles sur le personnage. La vie toute entière de cet homme est atypique, marginale, avec des qualités d'obstination, d'endurance, de ténacité, de patience qui inspirent le respect. Je ne parle même pas de la performance physique, qui est tout bonnement exceptionnelle : 200kms par jours 6j/semaine quasiment toute l'année !

Pourtant, en dépit de l'estime qu'inspire tout cela, j'ai trouvé qqchose de dérangeant, de pas épanoui, qui m'a empêché d'en faire un "héros", un homme que l'on met au rang de ses références personnelles ou de ses exemples de vie. Certains parlent de fuite. J'ai un peu l'impression de l'inverse, qu'il a couru après je ne sais quoi dans un mouvement perpétuel. Comme un destin mystérieux à l'emprise duquel il ne pouvait pas se soustraire. Bref, une trajectoire et une personnalité qui m'ont laissé perplexe.

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Je complète ma réponse sur ce que tu dis au sujet des sentiments de misanthropie qu'il est de bon ton d'éteindre de nos jours.

On n'éteint pas par la volonté un sentiment comme celui-là une fois qu'il s'est installé. La misanthropie est tout de même un sentiment extrêmement négatif, frustrant, qui s'installe progressivement par les mauvais exemples (malheureusement nombreux) que l'on observe à droite et à gauche. On passe d'observateur critique à misanthrope une fois que l'on a transformé ce que l'on dénonce pour certains en une généralité que l'on applique à tous. C'est pour moi un processus destructeur pour la personnalité. On se forge avec ses expériences et celle des autres. La misanthropie met fin à tout échange, toute relation qui aide au développement personnel. C'est en cela qu'il faut la combattre.

Même s'il est vrai qu'aujourd'hui, il y a une tendance très dérangeante à vouloir aligner la pensée de tout le monde sur la conviction de quelques uns.

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Salut Alain,

Merci pour ce compte-rendu qui en dit long sur cet homme épris de liberté que j'ai également eu un peu l'occasion de cotoyer grâce à toi à l'ASPTT dans les années 70.

Toute proportion gardée, l'anecdote du chef de gare me rappelle notre mésaventure lors du Paris-Dieppe avec toi et François où nous avions dormi dans une cellule au poste de police, peut-être t'en souviens tu ?

Amitiés

Pierrot

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Ses amis nombreux à ses obsèques dans la petite église de Chardes témoignaient que Patrick n’était pas misanthrope, encore moins un ermite. Au contraire il avait toujours plaisir à parler avec  l’un ou l’autre. C’est ainsi que la dernière fois que je l’ai vu c’était au retour de Paris-Brest 2011, un peu avant Villaines-la-Juhel. Il était venu au- devant de ses amis, un peu au hasard, et dès qu’il m’a vu il a fait demi-tour et m’a accompagné une dizaine de bornes. Ce fut un moment où nous avons parlé de nos vieux souvenirs et aussi de ses projets, car il en avait toujours. Un moment hors du temps où aucun ne fit à l’autre des promesses qu’il ne tiendrait pas, où aucun ne crut nécessaire de donner des conseils superflus, un moment rare de complicité totale (j’ose dire de bonheur partagé) que je n’oublierai jamais.

Pierrot te souviens-tu combien ses étapes de mammouth avec seulement un paquet de Choco BN nous laissaient interloqués ?Comment il savait être totalement en marge de la société de consommation, mais aussi présent dans les plus grandes randonnées ? J’aurai des centaines d’anecdotes à raconter sur Patrick, mais tu as raison le plus important c’est bien qu’il fut et resta toute sa vie un homme libre.

Amitiés.

Alain

 

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  • 2 years later...

bon échange bastille - massie

le vélo est un de ces sports qui permet à quelqu'un de misanthrope ou en train de le devenir, de s'exprimer avec son corps, d'agir sur le monde et le recevoir, d'être en action.

D'autres sports dans le genre, ça pourrait être quoi? la randonnée alpine, l'apnée, ...

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