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Moment d'anthologie rare.


Michel CREPEL

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Duel Poulidor - Anquetil: Paris Nice 1966.

 

Plus que l'antagonisme régnant entre nos deux belligérants, c'est l'invraisemblable conflit qui émanent des "pro-Poulidor" face aux "pro-Anquetil" qui promet de chaudes et âpres empoignades lors de la prochaine, 53ème édition de la, Grande Boucle (ce Tour fera partie d'une prochaine écriture). Remontés comme des pendules helvètes et profondément excédés par les "malversations", dont c'est rendu coupable, comme nous allons le vérifier instamment et de manière objective, le clan Anquetil sur les routes de la Course au Soleil, à l'encontre de "Poupou", les enthousiastes, mais un tantinet revêches, "Poulidoristes" estiment qu'il serait de bon ton que leur brave mais récalcitrant Limougeaud favori terrasse enfin le boulimique et impétueux Normand. A l'inverse, les fiers et orgueilleux "Anquetilistes" gèrent à merveille cette irréversible montée d'adrénaline qui n'est pas sans rappeler, pour les "dinosaures" de la "Petite Reine", les joutes d'anthologie que se livrèrent, vingt ans plus tôt, les deux "monstres" Transalpin, Fausto Coppi et Gino Bartali. Un bref mais significatif rappel des faits est nécessaire pour bien comprendre le degré d'animosité qui ébranle la France cycliste en cette année 1966, en pleine "Beatlesmania" aigue. Après une année "sabbatique", opportune mais bien légitime, qui le vit faire l'impasse sur la kermesse de juillet, Jacques Anquetil nous revient tel qu'il nous était apparu un semestre plus tôt, lors de son exemption du Tour à savoir, serein, jovial et indubitablement, fort ambitieux. "Poupou", l'"homme orchestre" de toutes les épreuves auxquelles il fait don de sa participation, arbore une mine déconfite. Sa désillusion, ou plutôt sa déconvenue, de l'été 65 face au néophyte "Bergamasque" l'a meurtri plus qu'il ne le laisse apparaître. Le résidant de Saint Léonard de Noblat, est animé d'un sentiment pour le moins cocasse. Dépité, furieux, revanchard, il ne peut, néanmoins, jamais se départir de sa sacerdocale "banane" qui irrite au plus haut point "Tonin le Sage". C'est tout le paradoxe "Poupou". Raymond demeure, malgré les situations les plus dramatiques, d'un optimisme béat. Il n'est heureux et fringuant que lorsqu'il chevauche sa docile monture. Sa passion communicative est telle que tout le bon peuple de France et de Navarre lui pardonne, inlassablement et immuablement ses absences maintes fois réitérées, ses erreurs enfantines voir ses défaillances chroniques. Bref, on lui offre le Bon Dieu sans confession....

Enorme sensation lors de ce Paris Nice 1966. L'irréel, l'inconcevable se produit un 13 mars. Et oui, trois ans après l'assassinat de JF Kennedy et deux avant le meurtre de son cadet "Bob", mais aussi trois saisons avant que Neil Armstrong ne foule de ses "petons empruntés" le sol, jusqu'alors inexploré et vierge de notre "cousine" la Lune, un autre fait, tout aussi extraordinaire, va se produire sous nos yeux de misérables terriens. L'Ile de Beauté, hôte ô combien enthousiaste, de l'épreuve, chère à Jean Leulliot, sera le témoin privilégié et le théâtre "Shakespearien" du premier revers, de la déroute même, de "Maîtres Jacques", dans son exercice de prédilection, le chrono, et comble d'ignominie, face à son rival de toujours. Le camouflet engendre les interprétations les plus rocambolesques de la part d'inconditionnels et suiveurs émoustillés et avares d'objectivité. Il est vrai qu'un débours d'une seconde au kilomètre, le premier quintuple lauréat de la Grande Boucle, n'était pas coutumier du fait. En outre, la mémorable punition lui avait été infligé par l'ennemi intime celui qui doit perdurer dans son rôle d'indécrottable souffre douleur. Les "Mouches ont changé d'âne", entendons nous, à loisir, de Bastia à Ajaccio et en échos dans toute l'Europe vélocipédique. Quel affront ! L'"Empereur" détrôné et châtié en Corse, tout un symbole ? Que nenni !

Pour qui connaît, un tant soit peu, le natif de Mont Saint Aignan, d'aucun vous diront que le Normand blessé, humilié et lacéré par la critique que ne manque pas de lui asséner, à grands coups de manchettes sarcastiques, des "journaleux" en pénurie de scoop et dépourvus de matière grise, est tout excepté une victime expiatoire.

Au petit matin de la dernière étape, Raymond Poulidor exulte et aspire à une dernière journée de tout repos. Le parcours de cent soixante dix bornes qui emprunte la corniche entre Antibes et Nice doit satisfaire les desseins de quiétude d'un leader en pleine confiance. On subodore, naturellement, notre "Poupou" national auréolé de cette certitude.Toujours est il que ce dimanche 15 mars, le Normand usera de tous les expédients, sportifs et, pourquoi le nier, par moment beaucoup plus douteux, pour inverser la tendance et reléguer, une nouvelle et énièmes fois, le Limougeaud au rang qui lui est du à savoir, celui de Dauphin du "Maître" !

C'est dans cet atmosphère vicié voir glauque que les rescapés de ce Paris Nice de légende se rangent, un brin penauds, sous les ordres du "Monsieur Loyal" de l'épreuve. Les premières heures de course sont poignantes, chacun se toise du coin de l'oeil. La tension est palpable, le suspense, qui demeure, toutefois, rôde et tâtonne. A croire que le destin capricieux n'a encore pas choisi son camp. Les formations serviles des deux protagonistes sont figées, la moindre erreur, la plus petite incompréhension peut s'avérer fatale à son chef de file. Il serait, en outre, suicidaire de s'attirer les foudres du "chef" pour une faute d'inattention. La pérennité de la carrière de ces besogneux est à ce prix. Le temps qui passe, inexorablement, compromet d'autant les chances d'Anquetil d'inverser l'inéluctable.

Les journalistes, frétillants de la plume, sont aux abois et, en mal d'Hollywood, mâchouillent stylo et crayon, les télescripteurs, ancêtres incontournables mais bruyant de nos ordinateurs actuels, frémissent mais ne frissonnent pas encore seuls, les "clans" déchaînés, qui bordurent l'étroite chaussée, vocifèrent leurs encouragements ou leur dédain, à défaut de haine.

C'est à ce moment précis, en plein marasme tactique, que le "Grand Fusil" ose une approche au sein d'un peloton apathique. Le conciliabule entre Raphaël Geminiani et le leader de Ford France est des plus expressifs, les grands moulinets décrits et la bouche béante et difforme de l'Auvergnat en atteste. Bien qu'infiniment respectueux de "Maître Jacques", Geminiani reste Geminiani. La marche à suivre est in extenso et immédiatement assimilée et adoptée. C'est alors un harcèlement en règle du leader des Mercier. Les Ford sont à la planche et ne relâchent à aucun moment leur étreinte, une vague déferlante s'abat sur la tête du peloton. "Stab", Pierre Everaert, Jean Claude Annaert, Paul Lemeteyer et Jean Claude Wuillemin giclent à tour de rôle tels des sternes affamées "reniflant" un ban de sardines en goguette, isolant un peu plus, par la même occasion, le maillot blanc. Sur un de ses énièmes démarrages le Breton de Plougasnou, Wuillemin "balance" sans vergogne le "British" des Mercier, Barry Hoban, coupable, à ses yeux, de nuire à l'"opération rachat". Bout en train de grand talent, le sprinter d'Antonin Magne, terminera et abandonnera ce Paris Nice vautré dans un fossé.Toutes ces péripéties, plus ou moins légales, n'affectent pas le moins du monde le Normand en revanche pour le Limougeaud, c'est une toute autre histoire. La confiance, accumulée tout au long de l'épreuve et sublimée, en outre, par son exploit de la veille, vacille et commence à prendre l'eau de toute part. L'adversité, pourtant il connaît, "Poupou", d'ailleurs elle jalonne sa carrière depuis ses prémices, par contre, lorsque celle-ci use de tous les artifices, même les moins avouables, pour s'arroger le droit de le déstabiliser, là, il fulmine notre "bonhomme". Assailli de tous côtés, Poulidor est à l'orée de la rupture. Une ultime et tranchante attaque d'Anquetil aura, finalement, raison de la résistance du maillot blanc. Ce démarrage subtil et imparable ajouté au barrage savamment érigé et orchestré, de main de maître, par les Ford, ruinera tout espoir de retour du leader de la course. Il parviendra, néanmoins, dans un dernier sursaut d'orgueil, à recoller à la roue arrière du fuyard mais renoncera, finalement, peu après en moins de temps qu'il n'en faut pour le rédiger. Epuisé par les coups assénés et répétés du Normand, de ses équipiers et des alliés de circonstance, "Poupou" abandonnera, à trente misérables bornes de l'arrivée, étape et victoire finale à son rival de toujours. Pour se faire une idée du travail colossal accompli par les Ford lors de cette dernière demi heure, il convient de rappeler que, outre Jacques Anquetil, bien évidemment, seuls Arie Den Hartog et Bernard Vandekerkhove parviendront à rallier Nice dans les délais. Les autres, tous les autres durent abandonner exténués.

A l'arrivée, hors de lui, "Poupou" hurle au complot, avouant qu'il lui serait, à l'avenir, terriblement ardu de remporter des courses contre ce "Patron renégat". La France cyclisme est en feu, une deuxième "guerre de religion", renaît de ses cendres, en quelque sorte. Le Tour qui se profile à l'horizon nous suggère des chaleurs incandescentes en perspective. Dorénavant, et à partir de ce 15 mars, "Poulidoriste" et "Anquetiliste" ne parleront plus le même langage.

MIchel Crepel

 

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Oui mais Michel......On avait assisté a un combat, on avait assisté a des grandes manoeuvres. Et ca Poulidor devait s'y attendre. A moins que l'auvergnat (comme tu dis) ait pu croire que maitre Jacques allait lui faire propre son fauteuil de vainqueur. Et bien non, on va assister a ce qu'on ne voit plus de nos jours et si Poulidor n'avait pas premedité d'ententes illicites, ni acheté des bonnes valeurs dans le peloton qui restaient en lice sur cette course au soleil et bien il allait perdre. On va donc assister a un coup monté , salement bien monté même, dont tu retraces encore aujourd'hui le piquant de l'histoire.

De nos jours des équipes achetent d'autres équipe, c'est "gros comme une maison" et personne crie au scandale (on arrive même a  justifier ces actes), on fait rouler des mecs pour défendre une cause, on téléphone a une autre équipe pour lui dire qu'on va arreter de rouler et quelle se prepare a continuer la non-course commencée depuis 5 heures....

On ne peut certe pas choisir, mais a etre pris pour un %@!?, je prefere le Paris-Nice de 66....Salut Michel

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C'est bien d'etre gentil Michel mais en ce qui concerne le Tour 66, le poupou a bien du descendre a la voiture du DS pour savoir ce qui fallait faire le jour de cette echappée fleuve.  Ton avis me semble bien humble d'autant plus qu'il incombe tout le staf de l'équipe mercier. Ceux qui n'avait pas la tête dans le "chaudron" auraient pu se rendre compte que les carottes étaient en train de cuire. Mais peut etre que de la "blouse blanche", c'était dur de sortir les biftons, aussi. Pourtant c'était bien du professionnalisme même si c'était une autre époque......Ah c'est vrai, il n'y avait pas les oreillettes, mais quand même...

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