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Gino Bartali


Xavier BOILEAU

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Duel «?Gino le Pieux?» - «?Boulanger de St Méen?»?: Tour 1948.

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En ce lendemain de fĂȘte nationale, treiziĂšme Ă©tape de ce Tour de France 48, le "Boulanger de St MĂ©en" est aux anges. Ne vient il pas, en effet, de triompher sur la "croisette" Ă  Cannes un 14 juillet et, par la mĂȘme occasion, d'accentuer, un peu plus, la marge, confortable, d'avance qu'il possĂšde sur ses adversaires ? Les rivaux de "Louison", surnom autant affectueux qu'ironique donnĂ© Ă  Bobet lors du Tour 47 oĂč, contraint Ă  l'abandon dans la vallĂ©e du Guil, il s'Ă©tait effondrĂ© en larmes, ont pour nom Roger Lambrecht, Belge bon teint, son compatriote Raymond Impanis et l'inusable Transalpin Gino Bartali. Ces trois hommes possĂšdent, nĂ©anmoins, un retard respectif assez consĂ©quent sur le porteur du maillot jaune Ă  savoir, deux minutes trente, neuf minutes et vingt et une minutes. Pour le "vĂ©tĂ©ran" Italien, l'affaire n'est pas aisĂ©e mais lorsque l'on connaĂźt sa prĂ©dilection chronique et sa prĂ©disposition innĂ© pour les ascensions, en gĂ©nĂ©ral, et l'Izoard, en particulier, on serait tentĂ© de rĂ©viser un jugement logique par trop hĂątif. En outre, n'a t'il pas assommĂ© partenaires et adversaires, en ce lieu, dix ans plus tĂŽt ? Toujours est il que "Gino le Pieux", inspirĂ©, comme jamais, se remĂ©morant ses exploits passĂ©s a bien l'intention de mettre au pas ce jeune freluquet de 23 balais. Le col d'Allos se prĂ©sente, alors, devant un peloton, encore, groupĂ©. Comme Ă  l’accoutumer, Ă  l'entame d'une Ă©tape montagneuse, les Ă©nergies sont concentrĂ©es au paroxysme du supportable. Pourtant, c'est notre Jean Robic national qui dĂ©clanche les hostilitĂ©s dĂšs les premiers lacets. Bartali, un instant surpris, balbutie quelque peu ses gammes avant de stabiliser son onctueuse pĂ©dalĂ©e et passer au sommet une minute derriĂšre le Breton virevoltant. Auteur d'une descente dont il a le secret et d'un bout droit hargneux et volontaire dans la vallĂ©e, "Biquet" se trouve toujours aux avants postes au franchissement du col de Vars. A ce moment prĂ©cis, Jean Robic est victime d'une terrible et violente dĂ©faillance. Arc boutĂ© sur sa monture, les jambes flageolantes, le buste dĂ©sarticulĂ© par l'effort colossal consenti pour la circonstance, l'Armoricain progresse avec difficultĂ© mais toujours avec l'abnĂ©gation du Breton, qu'il demeure viscĂ©ralement. Refusant obstinĂ©ment de mettre pied Ă  terre malgrĂ© une agonie de tous les instants, il terminera l'Ă©tape Ă  prĂšs de vingt-cinq minutes du laurĂ©at du jour. En onziĂšme position au moment de basculer au sommet de Vars, Louison Bobet, descendeur Ă©mĂ©rite et un soupçon "casse-cou", rejoint le groupe de chasse derriĂšre Gino Bartali. Entre temps, "Biquet", "Ă  pied", qui a aperçu plus que vu "Gino le Pieux" le happer puis l'abandonner Ă  son triste sort s'est alors callĂ© dans les roues de ses poursuivants. Il y a lĂ , outre Bobet revenu du diable Vauvert dans la descente, l'Italien Fermo Camellini. Au lieu dit Guillestre, le trio, nouvellement constituĂ©, va tenter de colmater un tant soit peu l'hĂ©morragie. Pendant que le jovial Transalpin, survoltĂ© par la tournure avantageuse, pour lui, prise par les Ă©vĂšnements, "gambade" comme Ă  ses plus beaux jours, le petit groupe s'Ă©chine, de concert, se relayant encore et encore sans rechigner Ă  la tĂąche. La course est belle et limpide, la poursuite gĂ©nĂ©reuse et effrĂ©nĂ©e. Du grand spectacle offert aux nombreux badauds, tifosis hilares pour la plupart, venus encouragĂ©s ces funambules des temps modernes sur leur drĂŽle de machine. Oui, tout irait pour le mieux si, d'aventure, les dieux de la "Petite Reine" n'en avaient pas dĂ©cidĂ© autrement. Hors et c'est bien connu, ces derniers, prennent un main plaisir, et c'est un euphĂ©misme, Ă  tourmenter nos "Bayard" du XXĂšme siĂšcle. Cette fois, encore c'est sous la forme d'une chute qu'ils allaient parvenir Ă  leur fin. A l'attaque de la derniĂšre difficultĂ©, et non la moindre, le majestueux et inĂ©narrable Izoard, Louison Bobet, impĂ©rial dans la dĂ©tresse jusque lĂ , s'affale sur le macadam, tel un pantin dĂ©sarticulĂ© et comble de malchance brise le cadre de son vĂ©lo. HĂ©lant en vain un secours loin d'ĂȘtre prompt Ă  intervenir, le maillot jaune, dĂ©boussolĂ© et abattu par tant coups du sort, geint et se lamente sur l'inexorabilitĂ© de la situation. MalgrĂ© la tempĂȘte qui sĂ©vit soudain, Gino Bartali, lui, redouble d'entrain. Retrouvant une maĂźtrise de l'escalade qui l'avait vu devenir roi, une dĂ©cennie auparavant, l'homme de Ponte a Enna Ă©crase encore un peu plus les pĂ©dales comme s'il devinait le drame qui se nouait quelques lacets plus en aval. A mi-pente de l'"ogre Alpin", "Le Pieux" possĂšde la bagatelle de onze minutes d'avance sur un quatuor emmenĂ© par l'irascible Louison Bobet, et oui, son compatriote, le gĂ©nial "Roi RenĂ©" Vietto, en personne, et les rescapĂ©s de la premiĂšre heure que sont Lambrecht et Camellini. Au sommet, le retard des quatre besogneux est de l'ordre de vingt minutes. C'est dire, si le paletot jaune du "Boulanger de St MĂ©en" s’effiloche tel neige au soleil. MenacĂ©, comme jamais, le Breton se lance comme un damnĂ© dans la descente vertigineuse. Faisant fi de toutes rĂšgles Ă©lĂ©mentaires de prudence, il dĂ©vale la pente abrupte tel un skieur Ă  la limite. MalgrĂ© la rage et la tĂ©nacitĂ© de "vieux briscard" du vĂ©tĂ©ran Transalpin, Louison Bobet, imperturbable, parviendra Ă  sauver l'essentiel pour cinquante et une misĂ©rables secondes. Tout ça pour ça. En revanche les "mouches avaient changĂ© d'Ăąne" ce jour lĂ . Les deux Ă©tapes Alpestres qui s'ensuivront, seront le reflet exact mais tout en nuance de cette passation de pouvoir. Un Italien dominateur implacable et revanchard. Le Galibier et la Croix de Fer, d'abord, lors de la quatorziĂšme Ă©tape puis Les Aravis et La Forclaz, le jour suivant, seront les hĂŽtes d'un Bartali au sommet de son art. La marche triomphale de "Gino le Pieux" a dĂ©butĂ© dans l'Izoard, comme d'habitude pourrait on dire, et ne s'arrĂȘtera qu'Ă  Paris.

Gino Bartali remporte le Tour de France pour la seconde fois, dix ans aprĂšs son premier succĂšs, un exploit qui fait encore date.

Louison Bobet, extĂ©nuĂ©, terminera au pied du podium Ă  Paris. Belle rĂ©compense, nĂ©anmoins, pour un garçon de vingt trois ans, dont le rĂšgne est Ă  venir. A sa dĂ©charge, il serait de bon ton de rappeler que notre "Boulanger de St MĂ©en" fut victime, aprĂšs son arrivĂ©e triomphale Ă  Biarritz, d'une blessure rĂ©calcitrante au pied qui le handicapera durant une bonne partie de ce Tour 48. Alors ceint du maillot jaune, le Breton s'Ă©vanouira, mĂȘme, Ă  l'arrivĂ©e de l'Ă©tape qui conduisait le peloton Ă  San RĂ©mo. Mais comme nous le savons tous, le Breton est un roc, et c'est en compagnie d'un autre trĂšs grand "bonhomme" de la lĂ©gende, Apo LazaridĂšs, que Louison Bobet voltigera, le lendemain, sur les pentes du Turini, fief emblĂ©matique du rallye de Monte Carlo, pour infliger Ă  Gino Bartali une punition sĂ©vĂšre mais non inĂ©luctable, malheureusement, avoisinant les sept minutes.

Bartali un coursier au panache sans cesse en éveil mais au crépuscule d'une éblouissante carriÚre passait, en quelque sorte, le relais à un Bobet, autre coureur aux velléités offensives exacerbées, mais à l'aube de celle-ci !

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