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Les « Trois Glorieuses » du « Blaireau »


Michel CREPEL

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Les « Trois Glorieuses » du « Blaireau » : Bernard Hinault au « Giro ».

 

 

La présence de Bernard Hinault, lors du Tour d'Italie, soulevait, à l'instar d'un Eddy Merckx une décennie auparavant, un enthousiasme des plus mitigé de la part des "tifosis" les plus irréductibles. En effet, et c'est tout le paradoxe de la situation, ces derniers étaient, et demeurent toujours, partagés entre la fierté de s'ériger en hôte des phénomènes de leur génération respective et à l'inverse ils honnissent la simple idée de voir l'un des leurs être terrassé par ces champions avides de succès et boulimiques à souhait. Le "Cannibale", en personne, victime non- expiatoire malgré l'entêtement de certains, des agissements et malversations d'intrigants notoires, en est l'illustration indéniable. Ce ne fut, heureusement, pas le lot du "Blaireau" qui, par ailleurs, dû faire face, lors de ses trois Giro victorieux, à une coalition Italienne, de tous les instants, qui usa de tous les artifices sportifs, plus ou moins légaux, pour le déstabiliser. En pure perte, toutefois.

Et pourtant, ils ne relâchèrent jamais la pression, ne rechignant aucunement à la tâche qu'ils s'étaient tous assignés, espérant secrètement que le Breton, isolé et attaqué de toutes parts, finisse par déposer les armes, épuisé, las et finalement démoralisé par tant de "haine". C'était, évidemment, mal connaître le formidable esprit de compétition, l'abnégation sans borne et la ténacité hors du commun qui animait le natif d'Yffiniac dans l'adversité.

Son triomphe de 1980, premier succès d'un Français depuis Jacques Anquetil en 1964, fut le plus accompli car acquis de main de maître lors de l'ascension du Stelvio, à l'entame de la troisième semaine de course. Le Passo dello Stelvio (2754 m) s'apparente, pour les Tifosis, à notre Galibier voir notre Izoard. C'est dire si dans l'esprit Transalpin, le dompter classe, à jamais, son pourfendeur en "Campionissimo". En cet été 80, la neige s'est invitée sur les pentes du géant des Dolomites. Aux confins de cette vallée du Haut Adige, à l'orée du Tyrol Autrichien, son "spectre" sculptural glace les os et atrophie les muscles des plus endurcis.

Pour son premier Giro, Bernard Hinault, néophyte averti, s'était contenté, durant la première quinzaine, de s'imprégner de l'atmosphère si particulière de la course Italienne, d'observer les us et coutumes du peloton et de tenter d'amadouer, quelque peu, une foule vindicative à l'encontre de tous ceux qui pourraient porter atteinte à l'accomplissement de leurs favoris autochtones.

Dès les premiers lacets (des quarante-cinq que compte le Stelvio) le leader de la "bande à Guimard" délègue à l'avant son lieutenant préféré, le Vendéen Jean-René Bernaudeau. D'une sérénité insolente, et malgré la présence du "Chouan" en éclaireur, le "Blaireau" porte des attaques brèves mais tranchantes afin d'estimer la fraîcheur de l'opposition. Subodorant celle-ci émoussé, il place, à huit bornes du sommet, une ultime mine assassine qui irradie, pour le compte, les dernières velléités de conquête d'adversaires éberlués. Seul, face la meute réorganisée mais avilie, il accélère, encore, la cadence et rejoint bientôt le "Ventre à Choux" au moment même d'aborder la descente. Les deux compères, complices comme "cochons", se lancent à corps perdu dans un contre-la-montre par équipe, digne des plus grands « Barrachi » de l'époque héroïque, en direction de Sondrio, terme de l'étape du jour. Ils couperont la ligne d'arrivée quatre minutes et vingt-deux secondes devant les premiers poursuivants. Un gouffre. Le sort le l'épreuve, s'en trouvait alors, inexorablement et définitivement scellé. Wladimiro Panizza relégué à plus de cinq minutes, Giovanni Battaglin à six minutes et Tommy Prim à près de huit minutes donne un aperçu du traumatisme.

 

Son succès de 1982, en revanche, se résumera à une lutte sans merci entre le Breton et la formation Bianchi du Suédois Tommy Prim et de l'Italien Silvano Contini. Moins fringuant que de coutume, surtout lors de la traversée des Dolomites, il subira la domination des hommes de la Céleste. Il pliera mais ne rompra pas. Accablé par tant d'adversité immanente et proche de la rédition, il trouvera, néanmoins, les ressources insoupçonnées et insoupçonnables pour terminer ce Giro en trombe. Bernard Hinault devancera, finalement, Prim de deux minutes et trente-sept secondes. Suivent Giovanni Battaglin et le "Lilliputien escaladeur" Lucien Van Impe.

 

Enfin, la saison 1985 verra Vicente Torriani, l'organisateur du Tour d'Italie, jouer de toute son influence pour ériger un Giro "made in Moser". Le "Cecco" victorieux l'année précédente, après maintes et maintes tentatives infructueuses, est bien décidé à récidiver cette année, et ce, même si la présence du nouveau "Cannibale" refreine quelque peu l'ardeur incommensurable et communicative de ses admirateurs les plus fidèles. Pour servir ses desseins ambitieux l'impétueux Torriani va lui concocter un tracé de "derrière les fagots" que n'aurait, nullement, renié un Sean Kelly, par exemple, coureur atypique, certes, mais totalement réfractaire à la haute montagne, quand bien même eut il remporté une Vuelta (88). Ce rafistolage maison réalisé, la partie montagneuse est reléguée à la portion congrue tandis que les chronos sont rallongés de manière grotesque voir risible. Ajoutez, en prime, l'hystérie collective de Tifosis en état de transe d'idolâtrie, et vous aurez un échantillon de l'ambiance exécrable et détestable qui agrémentera le parcours.

Grappillant les secondes de bonifications tel un pingre Gaulois ses sesterces, le "Cecco" croit, fermement, tenir sa proie. En outre, le chrono de Maddaloni, exercice de prédilection du Trentin, capital pour l'attribution finale du maillot rose, devrait être, pour tous "aficionados" du cru, une formalité. A leurs crédits, il convient de leurs allouer que le natif de Palu di Giovo est invaincu dans la discipline depuis près de deux ans. Bernard Hinault, lui, est dans le flou quant à sa capacité à rivaliser avec l'enfant du pays. Mais le "Blaireau" reste le "Blaireau" et quand un défi, quelqu'il soit, lui est proposé, il ne se défile jamais.

Et malgré un public des plus versatiles, entièrement voué à la cause de son compatriote et à la limite de l'agressivité gratuite, Bernard Hinault, dans un jour de plénitude totale atomisera le "Cecco" pour le compte. Francesco Moser, abasourdi, laissera dans l'affaire cinquante-trois secondes, tout juste cinq secondes de moins qu'un certain Greg Lemond, équipier puis futur rival du Breton. Bernard Hinault remporte, donc, son troisième Giro en trois participations avec un peu plus d'une minute d'avance sur Francesco Moser et un peu moins de trois minutes sur l'Américain. En outre, cette année là, il réalisera son deuxième et dernier doublé Giro - Tour.

 

 

Michel Crepel

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je suis ravi de revivre ces épisodes qui ont marqué le cyclisme et qui montrent qu une fois encore des coureurs de la trempe d'Hinault,ça ne se trouve que toutes les 2/3 générations,cyclisme moderne ou pas.Dailleurs a ceux qui sortent ce refrain je dirai que le cyclisme a toujours été moderne,puisque la nouvelle generation se dit moderne par rapport a la precedente.Alors ceci dit un grand champion reste un grand champion et Contador nous en a fait la demonstration les années passees et cyclisme moderne ou pas il a renoue avec la tradition des plus grands dont la devise est :ça passe ou ça casse en attaquant encore et encore

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