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L'"Enfer (2) 1896 de Joseph Fischer"


Michel CREPEL

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Première édition de Paris Roubaix 1896

 

 

Au crépuscule du 19ème siècle, une trentaine d'années après l'apparition du vélocipède Michaux, qui hantait le tout Paris de l'époque, en général, et le Parc de Saint Cloud, en particulier, et la naissance du cyclisme par un certain René Olivier, deux filateurs de Roubaix eurent, durant l'hiver 1895, la riche idée d'organiser une épreuve reliant Paris à Roubaix. Ces deux "originaux", Théo Vienne et Maurice Perez ont le sentiment insidieux, à ce moment-là, que le cyclisme sur piste organisé par leurs soins dans leur sanctuaire du Nord ne lasse inexorablement les couples endimanchés. En effet, ces deux "renards" sont, également, en dehors de leur philanthropie notoire, propriétaire de l'inénarrable vélodrome du parc Barbieux où ils vénèrent, par des courses sur piste, l'éclosion de la "Petite Reine" qui n'en est, il faut bien l'avouer, qu'à ses premiers balbutiements. Les deux présomptueux eurent, alors, l'idée géniale et saugrenue à l'époque d'imaginer une épreuve qui relierait Paris, la capitale, à Roubaix, fief incontournable du textile. Le fait de voir apparaître dans leur cité des coureurs crottés et immaculés de boue offusqua au plus haut point la corporation ecclésiastique et la "Gentry" des biens pensants de cette fin de siècle. En outre, ces deux "empêcheurs de tourner en rond" poussèrent le blasphème jusqu'à organiser cette manifestation le dimanche de la Pâques chrétienne. L'itinéraire ne focalisera, pas plus que cela, l'attention de nos deux précurseurs de génie à savoir, "droit devant". De Paris à Roubaix en ligne droite ! Si ce tracé à pour point positif un kilométrage rationnel, il propose, en revanche des avatars liés à la configuration du terrain des plus incohérents. Sur les deux cents quatre-vingt kilomètres de l'épreuve, deux cent trente se feront sur des sentiers nantis d'ornières et de nids de poule. La distance restante étant confectionnée de pavés et trottoirs cyclables plus ou moins adaptés à la pratique de la discipline. La course peut, alors, se dérouler. Dès le drapeau abaissé, une échappée de sept hommes, sous l'impulsion du Britannique Linton, prend forme. Ce dernier place, alors, une attaque à l'orée de la forêt de Saint-Germain-en-Laye et s'achemine seul à travers la campagne nordiste. Le Gallois a pour entraîneur son frère Tom, ce qui confère à cette association une légitimité savoureuse pour une première sortie en solitaire. A la sortie de la forêt domaniale, les fuyards possèdent une avance respectable de 1'30" sur le Français Paul Guignard et un peu plus de 4' sur un autre tricolore (en devenir celui-là) Maurice Guarin. Le peloton navigue, déjà, à ce moment de la course à plus d'un quart d'heure de l'homme de tête. On verra par la suite que les écarts, en ce temps-là, étaient d'une élasticité extrême. Englué, jusqu'alors, au sein d'un peloton en "goguette", le Germain Joseph Fischer passa la surmultiplié et se dégagea, aisément, de cette "toile d'araignée" peu conventionnelle. Dans un "one man show" du plus bel effet, il reprend le trop boulimique Gallois au ravitaillement de Breteuil. Un moment dépité et ahuri, Linton, de bonne grâce, fait cause commune avec l'Allemand et les deux "compagnons de galères" fondent, maintenant, sur Amiens. Le Gallois en profite pour rafler l'important prime mise en jeu à cet endroit de la course, au cas où. Mal ou bien lui en pris, toujours est-il qu'à l'instar du "Blaireau" en 1981, un chien vient anéantir les illusions encore intactes du Britannique en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. La pauvre victime se jette sous la roue avant de Liton qui, aussi surpris que l'animal, réalise une "triple boucles piquées" au-dessus de sa monture pour s'en venir choir de toute sa carcasse sur le sol rocailleux de cette route d'un autre âge. Le temps d'enfourcher de nouveau la "ferraille" endolorie et Fischer a disparu à l'horizon sans fin des plaines immensément planes du Nord. Survolté et gangrené par l'idée d'arriver en solitaire, l'Allemand, appuie encore plus fort sur les pédales. Son corps est meurtri, ses jambes dures, les reins bloqués tels un pantin désarticulé il achemine sa silhouette bon-gré mal gré vers ce nouveau "Graal" tant convoité. Accompagné dans son "chemin de croix" par les musiques militaires, c'est au son du clairon que l'Allemand, fier Teuton, se refera une santé. Une santé si déconcertante voir insolente qu'il franchira la ligne d'arrivée sur le vélodrome éminemment serein et animé d'une joviale décontraction. Sa chevauchée aura duré neuf heures et dix-sept minutes soit une moyenne horaire d'un peu plus de 30 Km/h. L'autochtone, Maurice Guarin, le "Petit Ramoneur" "Chtimi", finira troisième de ce premier "monument du cyclisme" à vingt-huit minutes du vainqueur et héros du jour. Ainsi vit le jour la classique la plus prisée de l'histoire et la légende de la "Petite Reine".

 

 

 

Michel Crepel

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